Pour ses déchets nucléaires à haute activité et à vie longue, la France a choisi le stockage géologique, dans le sous-sol argileux de la commune de Bure (Meuse), où ils doivent rester confinés pendant des centaines de milliers d’années. Une solution dont la filière assure qu’elle est la plus sûre, sinon la seule. D’autres voies, plus ou moins réalistes, ont pourtant été explorées dans le monde. Dans un récent rapport, l’Institut de radioprotection et de sûreté nucléaire en fait la recension.

  • Les fonds marins

Entre 1946 et 1993, la plupart des pays nucléarisés (Etats-Unis, Russie, Royaume-Uni, France, Belgique…) ont procédé à l’immersion de déchets radioactifs dans l’Atlantique, l’océan Arctique et le Pacifique, sur plus de 80 sites. La France a notamment participé, en 1967 et 1969, à deux campagnes européennes qui ont rejeté un total de 20 000 tonnes de déchets au large de la Galice (Espagne) et de la Bretagne, avant de cesser ces opérations après la mise en service de son centre de stockage en surface de la Manche. Mais elle a continué à rejeter dans le Pacifique, jusqu’en 1982, des déchets issus de ses essais nucléaires en Polynésie.

Pendant un demi-siècle, des déchets radioactifs ont été immergés dans plus de 80 sites dans les océans Atlantique, Arctique et Pacifique. / Andra

Après un moratoire adopté en 1983, le rejet en mer de tout type de déchet radioactif a été interdit en 1993, dans un souci de préservation des milieux océaniques. Mais les produits immergés n’ont jamais été récupérés.

  • L’envoi dans l’espace

L’agence spatiale américaine, la NASA, l’a très sérieusement envisagé dans les années 1970 et 1980, en imaginant plusieurs destinations : la surface de la Lune (accessible en quelques jours), l’orbite autour du Soleil (atteignable en six mois), voire même l’au-delà du système solaire.

Ses travaux ont porté sur des conditionnements assez robustes pour parer à tout accident de l’engin porteur, navette spatiale ou lanceur lourd, le risque étant un « retour à l’envoyeur ». Un risque dont la désintégration au décollage de la navette Challenger, en 1986, puis celle, lors de son retour sur Terre, de la navette Columbia, en 2003, ont montré qu’il n’avait rien d’hypothétique. Ajouté à un coût prohibitif, ce danger a conduit à l’abandon du programme.

  • Les glaces polaires

L’idée était de déposer les colis de déchets sur ou dans les calottes polaires de l’Antarctique et du Groenland, la chaleur dégagée par la radioactivité provoquant la fusion des glaces qui auraient peu à peu emprisonné les conteneurs.

Les trois options étudiées par les Etats-Unis dans les années 1970 pour piéger les déchets dans les glaces polaires. / IRSN

Mais les scientifiques ont mis en évidence la présence, dans les glaces, de poches salées susceptibles de corroder rapidement les aciers. Ils ont aussi alerté sur l’impossibilité de garantir la pérennité des calottes sur des centaines de milliers d’années. En tout état de cause, le traité sur l’Antarctique de 1959 interdit tout dépôt de déchets radioactifs au pôle Sud.

  • Les forages

Le principe s’apparente au stockage géologique de Bure, à cette différence qu’il ne prévoit pas de galeries souterraines, mais des puits verticaux creusés dans la roche, jusqu’à plusieurs kilomètres de profondeur. Trois variantes existent : placer les déchets dégageant de la chaleur, comme les combustibles usés, dans une roche magmatique (granite ou basaltes) dont la fusion formera une gangue vitreuse ; injecter des déchets liquides dans une couche rocheuse perméable ; empiler des colis de déchets solides dans un forage.

Concept d’injection de déchets radioactifs dans la proche profonde, dont la fusion assure le confinement. / IRSN

Ces concepts ont été étudiés par plusieurs pays, en particulier les Etats-Unis et la Russie, mais seule la troisième variante fait encore l’objet de travaux, notamment outre-Atlantique. Le stockage en forages est surtout adapté à de petits volumes de déchets de faible activité, nullement aux 85 000 m3 de résidus de haute activité ou à vie longue qui doivent être enterrés à Bure.

  • L’entreposage de longue durée

C’est la solution que préconisent les opposants à l’enfouissement. Alors qu’un stockage est définitif, un entreposage est conçu comme temporaire. La question est de savoir s’il peut être de longue durée – plusieurs siècles –, voire pérenne. Les Pays-Bas, l’Ecosse, l’Italie ou encore les Etats-Unis envisagent un entreposage à long terme pour laisser la possibilité à la science de réaliser des progrès dans le traitement des déchets.

En France, cette option était l’un axes de recherche définis par la loi de 1991 sur la gestion des déchets radioactifs. Elle a été étudiée par le Commissariat à l’énergie atomique et aux énergies alternatives (CEA). Mais en 2006, le stockage en couche géologique profonde a été retenu comme la « solution de référence » pour les produits à haute activité et à vie longue.

  • La séparation-transmutation

C’est l’approche qui mise le plus sur l’avancée de la recherche et qui, si elle aboutissait, pourrait justifier l’entreposage de longue durée comme solution d’attente. L’idée est de séparer, au sein du combustible nucléaire usé, les éléments les plus radiotoxiques (produits de fission, actinides mineurs, plutonium), puis de les transformer en noyaux stables ou à vie plus courte, en utilisant de futurs réacteurs à neutrons rapides, ou encore des réacteurs dédiés couplés à un accélérateur de particules.

Cette filière a été étudiée par plusieurs pays, notamment, en France (elle figurait elle aussi dans la loi de 1991), par le CEA, qui a validé plusieurs procédés sur certains radioéléments. Le dossier du débat public sur le plan national de gestion des matières et déchets radioactifs précise toutefois qu’« en l’état actuel des connaissances, il n’y a pas de solution de séparation-transmutation qui serait adaptée à tous les radionucléides à vie longue et industrialisable dans un futur proche ».