Ce jugement est « un signal revigorant pour la dignité humaine, la vie privée et l’égalité », a réagi Neela Ghoshal de l’organisation Human Rights Watch (HRW). / SIMON MAINA / AFP

C’est un jugement historique. La justice du Botswana a supprimé, mardi 11 juin, l’interdiction de l’homosexualité en vigueur dans le pays. La décision, aussitôt saluée par les défenseurs de la cause LGBTQ (lesbiennes, gays, bisexuels, transgenres, queers), était très attendue sur l’ensemble du continent africain, où l’homosexualité reste illégale dans plus de la moitié des pays subsahariens.

Les clauses du code pénal du Botswana relatives aux relations entre personnes du même sexe « sont annulées », a déclaré le juge Michael Leburu dans une salle d’audience comble de la Haute Cour à Gaborone. « La justice ordonne que les lois soient amendées », a-t-il ajouté.

Les clauses en question sont « des reliques de l’ère victorienne » qui « ne sont plus viables », a encore estimé le magistrat. Selon lui, elles « oppressent une minorité » et « ne passent pas l’épreuve de la constitutionnalité ».

La Haute Cour s’est prononcée sur ce sujet sensible sur requête d’une personne anonyme – identifiée par les seules initiales « LM » pour des raisons de sécurité – qui contestait le code pénal. Le texte en vigueur depuis 1965 prévoyait des peines pouvant aller jusqu’à sept ans de prison.

« Un signal revigorant »

Ce jugement est « un signal revigorant pour la dignité humaine, la vie privée et l’égalité, a réagi Neela Ghoshal de l’organisation Human Rights Watch (HRW). Le bon sens exprimé par la Haute Cour du Botswana est tellement revigorant. »

Ce jugement intervient après le refus, en mai, de la Haute Cour du Kenya d’abroger les lois réprimant les relations homosexuelles, qui avait douché les espoirs de la communauté continentale LGBTQ.

Devant le tribunal de Gaborone, mardi, des militants brandissaient des pancartes proclamant « Il n’y a rien de mal à être différent, mais il est injuste d’être discriminé » ou « Les hommes homosexuels sont cinq fois plus victimes de violences sexuelles que l’ensemble de la population masculine du Botswana ».

Pour Matlhogonolo Samsam, de l’association Lesbiennes, gays et bisexuels du Botswana (Legabibo), la décriminalisation est une question de « liberté d’expression, de droit à la vie privée et de droit à une égale protection par la loi ».

Car au quotidien, les homosexuels sont victimes de stigmatisation dans ce pays d’Afrique australe, considéré pourtant comme l’un des Etats africains les plus démocratiques. Dans les hôpitaux publics, « on reçoit des commentaires négatifs », a témoigné Thato Game Tsie, militant de l’association Legabibo.

« Je crains d’être emprisonné »

La législation antigay « limite les interactions que je peux avoir avec des personnes qui s’identifient de la même manière que moi, car je crains d’être emprisonné », avait expliqué en mars « LM », le requérant à la Haute Cour du Botswana.

Le représentant de l’Etat avait, lui, estimé que la population du Botswana n’était pas prête à un changement d’attitude vis-à-vis de l’homosexualité, disant argumenter au nom de la « moralité publique ». Les relations homosexuelles ont lieu « dans un espace privé » donc elles « ne peuvent pas avoir d’impact sur la moralité publique », a tranché le juge Leburu mardi.

Depuis ces dernières années, le Botswana est devenu progressivement plus tolérant à l’égard de l’homosexualité. En 2016, un tribunal avait tranché en faveur des militants de Legabibo, qui dénonçaient le refus du ministère de l’intérieur d’enregistrer leur association.

L’an dernier, le président Mokgweetsi Masisi avait regretté que dans son pays « beaucoup de personnes entretenant des relations avec des personnes du même sexe (…) aient été agressées et aient souffert en silence ». « Tout comme les autres citoyens, elles méritent que leurs droits soient protégés », avait-il estimé.