Une personne placée en garde à vue qui refuse de révéler le code de déverrouillage de son téléphone portable n’a pas à être poursuivie devant la justice, a estimé la cour d’appel de Paris, dans un arrêt rendu le 16 avril, rapporte le journal Le Parisien.

La cour s’est prononcée dans le cadre du jugement en appel d’une personne suspectée de trafic de drogue qui avait été condamnée par le tribunal de grande instance de Créteil à sept mois d’emprisonnement pour « récidive de transport, détention et acquisition non autorisée de stupéfiants ». Le prévenu avait également reçu une condamnation pour « refus de remettre aux autorités judiciaires ou de mettre en œuvre la convention secrète de déchiffrement d’un moyen de cryptologie ». Lors de sa garde à vue en mars 2017, le prévenu avait refusé de donner les codes des trois téléphones portables en sa possession lors de son interpellation aux enquêteurs du commissariat du Kremlin-Bicêtre, dans le Val-de-Marne, explique Le Parisien.

Une obligation contraire au droit au silence selon l’avocat

Les magistrats avaient condamné ce refus en première instance sur la base de l’article 434-15-2 du code pénal qui punit de trois ans d’emprisonnement et de 270 000 euros d’amende le refus de remettre aux autorités judiciaires « une convention secrète de déchiffrement d’un moyen de cryptologie susceptible d’avoir été utilisé pour préparer, faciliter ou commettre un crime ou un délit ». Cet article, apparu dans la loi antiterroriste de novembre 2001 qui avait suivi les attentats du 11 septembre 2001, modifié par la loi antiterroriste de 2016, est aujourd’hui utilisé pour tout type de délit.

Sur ce point, et dans le cadre de la même affaire, le conseil constitutionnel avait eu à examiner une question prioritaire de constitutionnalité (QPC) posée par le prévenu. Pour son avocat, Karim Morand-Lahouazi, la poursuite dont son client avait fait l’objet était contraire au droit de se taire et de ne pas s’auto-incriminer consacré par la Cour européenne des droits de l’homme.

Dans leur décision de mars 2018, les sages avaient décidé de déclarer cet article du code pénal conforme, en précisant qu’il s’applique à tous, y compris à une personne suspectée, même si l’objet n’est pas d’« obtenir des aveux de sa part ». Sans préciser toutefois si le code PIN d’un téléphone ou le code de déverrouillage d’une carte SIM sont des « moyens de cryptologie ».

Aucune réquisition judiciaire de communiquer le code

Si les juges de la cour d’appel de Paris ont confirmé en avril dernier la condamnation en première instance pour trafic de stupéfiants, ils ont relaxé le prévenu sur la deuxième peine pour ne pas avoir révélé le code d’accès. La cour, citée par Le Parisien, conclut qu’« un code de déverrouillage d’un téléphone portable d’usage courant, s’il permet d’accéder aux données de ce téléphone portable et donc aux éventuels messages qui y sont contenus, ne permet pas de déchiffrer des données ou messages cryptés et, en ce sens, ne constitue pas une convention secrète d’un moyen de cryptologie ».

Les magistrats ont avant cela estimé dans leur arrêt qu’« il ne ressort d’aucun élément de la procédure qu’une réquisition ait été adressée par une autorité judiciaire de communiquer ce code de déverrouillage ou de le mettre en œuvre, le prévenu ayant seulement refusé de communiquer ce code à la suite d’une demande qui lui a été faite au cours de son audition par un fonctionnaire de police ».