Manifestation à Nairobi contre le projet de construction d’une centrale à charbon à proximité de l’archipel de Lamu, le 12 juin 2019. / SIMON MAINA / AFP

Quelque 200 Kényans ont manifesté mercredi 12 juin, à Nairobi, contre le projet de construction de la première centrale au charbon d’Afrique de l’Est à proximité de l’archipel de Lamu (est), une populaire destination touristique qui inclut un site inscrit au patrimoine mondial et une riche vie marine. Le projet de centrale existe depuis environ six ans et a rencontré une vive opposition de la part de militants et de communautés locales. Le tribunal national pour l’environnement doit rendre, le 24 juin, un jugement sur l’avenir de cette centrale.

Mercredi, les manifestants ont chanté « le charbon est du poison » et ont porté des cercueils noirs marqués de têtes de mort blanches dans les rues du centre de Nairobi. « Il n’y a aucun besoin de construire des sources d’énergie sale comme le charbon pour répondre aux demandes du Kenya en énergie, alors que le pays est un leader en Afrique avec un mix énergétique à 85 % renouvelable », a déclaré à l’AFP Omar Elmaw, l’un des manifestants.

« Avec un accès aux énergies éolienne, solaire, géothermique et marémotrice, le potentiel du Kenya en énergie renouvelable est rentable et ne cause aucun mal aux gens et à l’environnement », a ajouté celui qui est également coordinateur de campagne pour l’ONG deCOALonize, qui milite contre l’énergie au charbon.

Une « erreur coûteuse » pour le pays

Selon les opposants au projet, ce dernier est coûteux et n’a pas beaucoup de sens à l’heure où de nombreux pays se tournent de plus en plus vers des sources d’énergie renouvelables. Mais le gouvernement voit cette centrale comme un moyen de favoriser la croissance économique, créer des emplois et s’assurer une source d’énergie pour l’avenir. De leur côté, les experts ont émis de sérieux doutes quant à la viabilité du projet.

Le groupe de réflexion Institute for Energy Economics and Financial Analysis (IEEFA) a publié cette semaine un rapport soutenant que l’électricité provenant de cette centrale sera dix fois plus chère que prévu. Intitulé « Le mauvais choix pour le Kenya », ce rapport estime que cette centrale de 981 mégawatts serait une « erreur coûteuse » pour le pays, le contrat de vingt-cinq ans requérant un paiement annuel de 360 millions de dollars (près de 320 millions d’euros) à la coentreprise qui détiendra et opérera la centrale, Amu Power, même si aucune énergie n’est générée par la centrale. Il ajoute que les besoins en énergie du Kenya seront moins importants qu’initialement prévu, en raison d’une croissance économique en deçà des estimations. En conséquence, selon le rapport, la centrale sera « sous-utilisée ».

L’essentiel des 2 milliards de dollars que coûte le projet est financé par la Chine et la construction sera réalisée par la société chinoise China Power Global. La coentreprise Amu Power est un partenariat entre une société kényane et Gulf Energy, une entreprise omanaise. La centrale au charbon serait la première sur le continent africain en dehors d’Afrique du Sud. C’est d’ailleurs ce pays qui exportera du charbon vers le Kenya pour le fonctionnement de la centrale, en attendant qu’il en commence l’extraction.