Un exemple d’avertissement envoyé par la Hadopi. / THOMAS COEX / AFP

Pour son dixième anniversaire, la Haute Autorité pour la diffusion et la protection des droits sur Internet (Hadopi) a, jeudi 13 juin, dressé dans son rapport d’activité pour 2018 un bilan de sa lutte contre les internautes qui piratent les films, les séries, la musique ou les rencontres sportives. Une nouvelle fois, la pluie d’avertissements n’a été suivie que par très peu de condamnations.

Dans la « réponse graduée » qu’elle a adoptée pour modifier le comportement des fraudeurs qui téléchargent illégalement avant de les sanctionner, le gendarme d’Internet a envoyé très largement des avertissements – 1,19 million de recommandations. Il s’agit d’alertes par e-mail sur les risques encourus par la consommation illicite d’œuvres et d’une information sur l’existence d’offres légales à des prix abordables. « Les résultats de cette [première] phase pédagogique qui tend à la dissuasion et à la responsabilisation sont bons : on constate que 60 % des personnes averties ne réitèrent pas », assure Denis Rapone, président de la Hadopi.

Une avancée décisive

Cette première étape n’étant pas toujours suivie d’effets dans les six mois, pour certains de ces « pirates » l’institution a envoyé, dans un second temps, 147 916 deuxièmes recommandations par courriel et lettre recommandée. La troisième phase qui constate une négligence caractérisée informe, par ce même biais, l’internaute que ces faits sont susceptibles de poursuites pénales. Cette procédure a concerné 1 045 cas de fraudes, transmis au procureur de la République. Sur ce total, 594 suites pénales ont été portées à la connaissance de la Hadopi. Ce qui a abouti à 83 condamnations (41 amendes d’un montant de 100 à 1 000 euros), trois jugements pour délit de contrefaçon (amendes de 500 à 2 000 euros), 35 ordonnances pénales (amendes de 150 à 500 euros) et quatre comparutions sur reconnaissance préalable de culpabilité (amendes de 200 à 500 euros). Les 401 autres mesures répressives ont essentiellement concerné des rappels à la loi ainsi que des stages de citoyenneté assortis d’une amende de 150 à 500 euros.

« Les usages numériques et les techniques de piratage ont évolué depuis 2009 tandis que notre arsenal juridique est resté le même depuis dix ans »

« Il apparaît toutefois difficile de considérer la lutte contre le piratage comme pleinement satisfaisante », tempère M. Rapone dans son bilan. En effet, « les usages numériques et les techniques de piratage qui en découlent ont évolué depuis 2009 tandis que notre arsenal juridique est resté le même depuis dix ans ». Il évalue la destruction de valeur liée au piratage dans les secteurs du cinéma et de l’audiovisuel à 1 milliard d’euros de pertes, auquel il faut ajouter 400 millions de manque à gagner pour l’Etat. Soit « près de 60 % du budget total que ce dernier consacre chaque année au soutien des filières du cinéma, de la production audiovisuelle et du jeu vidéo », assure le président de la Hadopi dans son rapport.

Bonne nouvelle, la révision de la directive européenne du droit d’auteur, adoptée le 26 mars, généralisera la conclusion d’accords de rémunération entre les plates-formes et les ayants droit. A défaut, ces dernières devront assurer le retrait des contenus illicites. Une avancée décisive, selon la Hadopi qui propose d’encadrer ces accords dans le domaine précis de l’utilisation de la technologie de reconnaissance des contenus.

Enfin la Hadopi suggère de définir des standards permettant de caractériser les sites ou les services spécialisés dans la contrefaçon commerciale ou le piratage des retransmissions sportives. Ce qui pourrait notamment faciliter le travail des juges pour accélérer le blocage et le déréférencement des sites illicites.