A l’éclosion, les poussins femelles sont séparés des mâles, qui sont alors tués le plus souvent par asphyxie au dioxyde de carbone ou par broyage. / JOHN MACDOUGALL / AFP

La Cour administrative fédérale, la plus haute juridiction administrative allemande a jugé, mardi 11 juin, que la filière avicole pouvait continuer d’éliminer par millions les poussins mâles jusqu’à l’avènement de méthodes permettant le sexage dans l’œuf à grande échelle.

L’instance devait trancher si tuer, par broyage généralement, les poussins mâles était en conformité avec l’article premier de la loi sur la protection des animaux, selon laquelle « personne n’est en droit d’infliger aux animaux des douleurs, souffrances ou dommages sans motif raisonnable ».

« La pratique actuelle [d’éliminer les poussins mâles] repose sur un motif raisonnable jusqu’à l’apparition, dans un délai a priori rapproché, de méthodes pour déterminer le sexe dans l’œuf », a dit la juge Renate Philipp. Dans un communiqué, la Cour a insisté sur le fait que cette autorisation était « transitoire » mais elle n’a pas fixé de calendrier précis.

Dans le cadre de la production industrialisée d’œufs, les poussins éclosent dans des couvoirs qui vendent ensuite les futures poules pondeuses aux éleveurs. Après éclosion, les poussins mâles sont immédiatement tués, la filière jugeant qu’il n’est pas rentable de les nourrir, au contraire des femelles, appelées à devenir des poules pondeuses.

Ne peuvent pas servir pour la production de poulets de chair

Pour les industriels, les poussins mâles nés dans la filière « ponte » ne peuvent pas servir pour la production de poulets de chair, car issus de souches jugées « peu performantes en termes de croissance et de conformation de carcasses », explique l’Institut technique d’aviculture (Itavi).

A l’éclosion, les poussins femelles sont séparés des mâles, qui sont alors tués le plus souvent par asphyxie au dioxyde de carbone ou par broyage. La technique du broyage est autorisée par un règlement européen de 2009, sur « la protection des animaux au moment de leur mise à mort ».

Comme les deux instances précédentes, la Cour a donc estimé que les intérêts économiques des éleveurs de poules pondeuses primaient dans l’immédiat, ceux-ci estimant que les mâles n’ont pas d’utilité dans la filière et coûtent trop cher à élever. Chaque année, 45 millions de ces oisillons sont tués.

L’origine du litige examiné par la Cour remonte à 2013 lorsque le ministère de l’agriculture de la région de Rhénanie du Nord-Westphalie avait voulu bannir l’élimination en masse des poussins. Mais des éleveurs ont attaqué la décision et gagné devant les juridictions du Land et désormais au niveau fédéral.

Pratique controversée

L’élimination des poussins mâles est très controversée en Allemagne. La ministre de l’agriculture, Julia Klöckner, y est notamment opposée. « Tuer des animaux dès leur naissance en raison de leur sexe, ce n’est pas possible », a-t-elle dit au quotidien régional Rheinische Post, précisant que huit millions d’euros avaient été débloqués pour la recherche d’alternatives.

Plusieurs méthodes de sexage dans l’œuf, qui permettent de détruire les œufs mâles avant l’éclosion, sont testées actuellement, notamment en Allemagne et aux Pays-Bas. Mais elles ne sont pas encore applicables à l’échelle industrielle.

Quant à l’élevage des poussins mâles, il se fait dans des élevages bio d’Allemagne mais le coût se répercute dans le prix à la consommation et représente plusieurs centimes par œuf.

Pour les défenseurs des droits des animaux, le sexage n’est pas une méthode pérenne non plus. Pour eux, c’est à l’hyperspécialisation des volailles – des poules pondeuses ultraperformantes ou alors des oiseaux très en chair – qu’il faut s’attaquer en mettant en place des filières où mâles et femelles ont une utilité.