Chronique. C’était il y a un an quasiment jour pour jour. Le 21 juin 2018, alors que son équipe reste sur une première rencontre décevante face à l’Australie, Didier Deschamps change son système et une partie de ceux qui l’animent. La France l’emporte 1-0 contre le Pérou dans un match plus cohérent que flamboyant et valide sa qualification pour les huitièmes de finale de la Coupe du monde. Trois semaines plus tard, c’est avec les mêmes titulaires et principes de jeu que les Bleus entament un affrontement face à la Croatie, qui les enverra sur le toit du monde.

Quatre ans plus tôt, pour son deuxième match de poules, l’Allemagne concédait un nul 2-2 face au Ghana, avec Philipp Lahm au milieu et Jerome Boateng latéral droit. Des choix définitivement déjugés en quart contre les Bleus, dans un parcours qui se terminera, là aussi, par une victoire finale.

Ces flash-back rappellent une évidence qui n’en est pas une : malgré les mois de préparation qui servent à acquérir des certitudes, les compétitions internationales peuvent vite les remettre en cause. A moins d’avoir un plan A supérieur à celui de tout le monde, la clé est de posséder plusieurs cartes dans son jeu et d’oser en changer.

Scolaire dans son application, le projet de jeu était facile à identifier

Mercredi soir, comme les deux derniers champions du monde masculins, les Bleues ont, elles aussi, eu une deuxième rencontre de poule assez compliquée, malgré une victoire 2-1. Bousculées par des Norvégiennes, ambitieuses et physiques, elles ont montré un esprit d’équipe, sans répondre à toutes les interrogations sur leur plan du jeu.

Pour comprendre les difficultés rencontrées, il faut se replonger dans le match d’ouverture, remporté 4-0 contre la Corée du Sud. Replié dans son camp, l’adversaire n’avait rien proposé pendant les quarante-cinq premières minutes, son bloc défensif mettant les Françaises au défi de montrer leurs qualités sur attaque placée.

La réponse, limpide (3-0 à la pause), avait surtout des airs de récitation. Exercice numéro 1 : construction au sol depuis l’arrière, déviation des milieux en une touche vers les latérales qui débordent et centrent. Exercice numéro 2 : transversale aérienne d’une défenseuse vers l’une des ailières et pressing intense si le duel est perdu. Entre les deux, un bloc médian en 4-4-2 sans ballon qui passe en 4-2-3-1, dont l’objectif est de gagner la bataille de l’entrejeu pour ne pas avoir à défendre proche de son but.

Très scolaire dans son application, avec des circuits de construction aussi systématisés que certaines initiatives individuelles (sorties au pressing d’Amandine Henry, recentrages d’Eugénie Le Sommer), le projet de jeu était facile à identifier… Mais impossible à stopper pour des Coréennes limitées et surtout trop frêles.

La variété dans les combinaisons sur phases arrêtées (buts sur un corner direct et sur feinte de corner court, but refusé sur corner à deux) masquait mal le point commun entre les trois actions : la domination de Wendie Renard (1,87 m) dans le domaine aérien. Un avantage énorme. Mais qui, face à une opposition préparée, peut vite tourner en rond.

Les limites de la base arrière, le recours à un pressing plus intense

C’est là qu’on en revient au match de mercredi, où l’intégration de Valérie Gauvin comme numéro 9 pivot renforçait encore la densité physique des Françaises. Payant cinq jours plus tôt, le jeu long a cette fois perdu en efficacité, les Norvégiennes lisant bien les trajectoires. La base arrière française a, elle, montré des limites sur phase placée, les relances étant également moins assurées quand l’adversaire sortait au pressing.

Ces problèmes n’en sont pas forcément si on sait les contourner, beaucoup de grandes équipes masquant leurs limites défensives en faisant en sorte de ne jamais être en position de défendre, par le biais d’un bloc haut, compact et agressif. Le positionnement plus avancé de Le Sommer en deuxième période pour embêter les Norvégiennes dès la première relance a montré que la sélectionneuse voulait aller dans ce sens d’un pressing plus intense.

Même si cela n’est pas toujours parfait – les défenseuses étant obligées de combler quelques trous in extremis –, cela prouve que les Bleues sont capables de hausser le niveau d’intensité. Et que la qualité des productions est liée à la gestion des organismes, l’objectif étant d’être au top à partir du probable quart de finale contre les Etats-Unis.

Comme leurs homologues masculins au même moment en 2018, les partenaires d’Amandine Henry ne sont donc pas encore où elles veulent être collectivement. Habituées à jouer dans plusieurs systèmes depuis la prise de fonctions de Corinne Diacre, elles vont, selon toute vraisemblance, continuer à beaucoup centrer et chercher à avoir la maîtrise du ballon.

Les dribbles de Kadidiatou Diani, qui ne sera pas toujours aussi malheureuse dans la dernière passe, et la vitesse de Delphine Cascarino sonnent comme un rappel à leurs rivales : appliquées à rendre une copie la plus propre possible, les Bleues ont aussi l’inventivité qui transcende les plans de jeu.

Christophe Kuchly

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