Les Italiennes célèbrent leur victoire face aux Jamaïcaines vendredi 14 juin. / CHRISTIAN HARTMANN / REUTERS

Elles ont le sourire. En se défaisant facilement des Jamaïcaines (5-0), vendredi 14 juin, les Italiennes viennent de se qualifier pour les huitièmes de finale de la Coupe du monde. Elles avaient déjà gagné - à la surprise générale - leur premier match face à l’Australie, dimanche 9 juin. Vingt ans après leur dernière apparition dans un Mondial, les Azzurre ont ainsi rempli leur objectif.

Car chez les femmes, l’Italie n’est qu’une nation « moyenne » : elle pointe seulement à la 15e place du classement mondial FIFA et peut difficilement prétendre au titre. Cette qualification pour les huitièmes de finale était d’ailleurs loin d’être acquise dans un groupe où figurent l’Australie, 6e nation mondiale, et le Brésil, 10e du classement FIFA, mais habitué des grands rendez-vous internationaux.

L’absence des Italiennes ces dernières années tient pour une large part à un manque d’investissement depuis la fin des années 1990 alors que le pays sortait pourtant de deux décennies remarquables.

Un tournant en 2015

Dans les années 1980, les Azzurre avaient remporté à trois reprises ce que l’on appelait alors le « Mundialito » qui faisait office de Coupe du monde officieuse, avant sa création. Dans l’histoire officielle, les Italiennes avaient aussi fini troisièmes des championnats d’Europe 1984 et 1987.

Lors de la première « vraie » Coupe du monde en 1991, menées par la légendaire Carolina Morace - auteure du premier triplé de l’histoire de la compétition -, elles avaient atteint les quarts de finale. Avant de passer à côté de leur Mondial 1999 où elles n’étaient pas sorties des poules.

Depuis, la pratique chez les femmes était à la traîne. « C’est culturel chez nous, voir des petites filles aller s’entraîner et jouer au foot est bizarre pour les mères et les pères italiens », remarque Alessandra Bocci, journaliste à La Gazzetta dello Sport.

Jusqu’à 2015, quand la Fédération italienne a provoqué une petite révolution en obligeant les clubs de Serie A à recruter des filles dans ses sections jeunes. En quelques années, les grands noms du championnat italien masculin ont formé des équipes, la Juventus de Turin et l’AC Milan rachetant des franchises pionnières chez les femmes, Cuneo et Brescia.

La saison 2018-2019 a marqué un nouveau tournant. Pour la première fois, le championnat a été organisé par la Fédération italienne, preuve de son investissement, avec un record d’affluence à la clé, en mars, quand 39 027 spectateurs se sont déplacés lors du choc entre la Juventus, première, et son poursuivant, la Fiorentina.

L’internationale italienne Laura Giuliani célèbrent la victoire (2-1) de la Juventus sur la Fiorentina en Serie A féminine, le 24 mars 2019, devant 39 027 spectateurs, un record d’affluence pour les féminines. / MARCO BERTORELLO / AFP

Un « effet Coupe du monde »

Aujourd’hui, le pays compte seulement 24 000 licenciées, encore loin de ses voisins européens, comme la France (plus de 184 000 joueuses) ou l’Allemagne qui en revendique autour d’un million.

Les footballeuses de l’équipe nationale italienne et l’entraîneuse, Milena Bertolini, répètent sans cesse vouloir encourager la pratique du football chez les petites filles, autre objectif annoncé de cette Coupe du monde.

Côté spectateurs, la réception est mitigée. Les médias italiens ont mis de gros moyens. Pour la première fois, la Coupe du monde est diffusée par la Rai et Sky à la télévision. Les journaux traditionnels ont envoyé des reporters en France pour une couverture spéciale.

« C’est une occasion pour nous de montrer que le football féminin doit être traité comme tout autre sport », confie Alessandra Bocci dont le journal a reçu des plaintes de lecteurs « très conservateurs » qui ne voient pas d’un bon œil cette médiatisation.

Dimanche 9 juin, 3,5 millions de personnes ont regardé le match des Azzurre face à l’Australie, soit 23 % de part d’audience en Italie. Un record pour les féminines mais qui n’égale pas le score de la sélection masculine qui a fait 28,8 % lors du match qualificatif à l’Euro face à la Grèce le jour précédent.

Le succès apparent s’explique peut-être par l’échec des hommes qui ont manqué la Coupe du monde en Russie en 2018. « Au début, oui c’était ça, mais plus maintenant, analyse Alessandra Bocci. Maintenant, certains regardent en se disant qu’ils voient un bon football. »

Le physique en question

Les audiences pourraient bien continuer à grimper si l’Italie perce. Mais cela semble difficile pour des joueuses, avec certes des qualités techniques, mais qui manquent de physique. « Nos joueuses ont commencé à s’entraîner six fois par semaine à l’âge de 20 ou 22 ans seulement », rappelait Milena Bertolini avant la Coupe du monde.

La sélectionneuse italienne, Milena Bertolini, pendant le match face à l’Australie, le 9 juin 2019 à Valenciennes. / FRANCOIS LO PRESTI / AFP

De plus, l’effectif italien manque d’expérience à l’international. Sa capitaine, Sara Gama, a évolué deux ans au PSG, mais a surtout connu le banc de touche. Si d’autres joueuses ont eu des expériences à l’international, comme la défenseuse Elena Linari, championne d’Espagne avec l’Atletico Madrid, l’attaquante Ilaria Mauro ou la gardienne Laura Giuliani en Allemagne, l’immense majorité des Italiennes évoluent dans leur pays et n’ont pas connu le haut niveau international.

Attirer des joueuses étrangères pour rendre le championnat italien plus compétitif est un des défis qui attend le football italien dans les années à venir.

Dans cette Coupe du monde, le groupe des Azzurre est si indécis qu’il est impossible de connaître leurs futures adversaires en huitièmes de finale. Une chose est sûre néanmoins, passer ce tour serait un nouvel exploit pour les Italiennes.