Echantillons urinaires au laboratoire de Châtenay-Malabry (Hauts-de-Seine), en 2015. / FRANCK FIFE / AFP

Vingt ans après avoir élaboré le premier test de détection de l’érythropoïétine (EPO), la molécule qui a bouleversé le sport des années 1990, le laboratoire de Châtenay-Malabry pense avoir trouvé un moyen de mieux détecter les « microdoses » d’EPO.

Le directeur du laboratoire, Michel Audran, en a fait l’annonce jeudi 13 juin lors d’une conférence de presse au siège de l’Agence française de lutte contre le dopage (AFLD) : « Nous pouvons détecter des microdoses d’EPO un minimum de 48 heures après la prise, tandis qu’on arrive aujourd’hui difficilement à 24 heures. »

Les microdoses, qui doivent être répétées tous les deux jours pour être efficaces, sont réputées être utilisées depuis la mise au point du premier test de détection de l’EPO, pour passer en dessous des radars. Il y a une dizaine d’années, la prise après 23 heures - heure limite des contrôles antidopage - permettait de ne plus laisser de trace après 6 heures du matin. La chasse à l’EPO est donc de plus en plus efficace.

Effectif en 2020 ?

Une nuance, de taille : la méthode n’a pas encore été validée par l’Agence mondiale antidopage (AMA), qui supervise les 31 laboratoires accrédités dans le monde. Elle ne pourra donc pas être utilisée cet été, notamment sur le Tour de France.

La nouvelle technique de détection a fait l’objet d’une étude clinique menée par le laboratoire de Châtenay-Malabry, permettant de constater que des microdoses d’EPO - moins de 10 unités internationales par kilo, soit 600 UI pour un sportif de 60 kg - pouvaient être décelées 48 heures après la prise.

Elle doit maintenant être testée par d’autres laboratoires avant d’être présenté au « groupe d’experts laboratoire » de l’AMA, qui devra ensuite éditer un « document technique » afin que chaque laboratoire puisse l’utiliser. Un long cheminement qui devrait mener jusqu’au début de l’année 2020.

Les adeptes des microdoses devront toutefois rester prudents d’ici à l’adoption de cette nouvelle méthode : l’AFLD rappelle qu’une partie des échantillons prélevés sont conservés et peuvent faire l’objet de réanalyses une fois qu’elle aura été autorisée.

L’EPO n’est plus le dopant principal

Les experts de l’antidopage estiment que les microdoses d’EPO font partie de l’arsenal encore utilisé par les tricheurs, notamment pour maintenir des valeurs sanguines élevées que l’on a préalablement fait monter artificiellement.

« La pratique peut être de se faire des transfusions sanguines pendant 15 jours, de revenir en course avec une hémoglobine élevée et de maintenir les niveaux avec des microdoses d’EPO », nous disait l’an dernier Michel Audran. Il confirme aujourd’hui : « Il est important de passer de 24 à 48 heures de détection, car dans ces protocoles, on estime que les tricheurs font des microdoses tous les deux jours. »

L’ampleur des conséquences de cette avancée scientifique doit toutefois être relativisée. Les chercheurs soupçonnent qu’il sera bientôt possible de faire sécréter naturellement davantage d’érythropoïétine. Et la récente opération de police « Aderlass », partie d’Allemagne et d’Autriche, a montré la permanence des transfusions sanguines dans le sport de haut niveau.

Enfin, le dopage hormonal reste très prisé, y compris la testostérone, vieille comme le « doping ». La multitude d’hormones disponibles sur le marché multiplie de fait les trous dans la passoire.