Ugo Mola lors de sa demi-finale contre La Rochelle, dimanche 8 juin à Bordeaux. / NICOLAS TUCAT / AFP

Le vieux mur se dresse entre le parking, la boutique et les terrains. Un monument pour recenser le « palmarès national » du Stade toulousain. « Quand vous connaissez l’histoire du club », rappelle Ugo Mola, vous en connaissez aussi « les moments sans titre ». Samedi 15 juin, à Saint-Denis, le club le plus récompensé du pays affrontera Clermont en finale pour un 20e titre de champion de France (à partir de 21 heures).

Depuis sa prise de fonction à Toulouse, en 2015, l’entraîneur se prépare à sa première finale. Mais il en a vécu d’autres, joueur, avec ce même Stade : trois en championnat (1994, 1995, 1996) et une en Coupe d’Europe (1996) remportées avec pour entraîneur Guy Novès, auquel il a désormais succédé.

Mola relativise. Si les Rouge et Noir attendent leur prochain bouclier de Brennus depuis 2012, ils ont déjà patienté plus longtemps : entre 1927 et 1947, puis entre 1948 et 1985, par exemple. De quoi dédramatiser un peu les commentaires hâtifs ou péremptoires.

Le quadragénaire a l’habitude des comparaisons délicates, ayant succédé, après seulement cinq saisons d’entraîneur en Top 14 (Castres, Brive) et une en Pro D2 (Albi), à l’homme le plus titré du rugby français (dix championnats de France, quatre Coupes d’Europe). « Il a d’abord fallu baisser la tête parce que ça cognait fort comme rarement. » Dit autrement, il a fallu supporter les critiques et faire accepter l’idée que reconstruire une équipe « en fin de cycle » nécessiterait du temps.

En 2017, le Stade toulousain finit à la douzième place du Top 14 : sa première absence d’une phase finale du championnat depuis quatre décennies. Mola reste finalement en poste. Cette même année, son prédécesseur au Stade toulousain connaît un sort différent avec le XV de France : Guy Novès se voit licencié à mi-mandat, une rupture abusive selon les prud’hommes.

« La saison 2016-2017 a été un peu compliquée, euphémise Mola. On jouait moins bien, et donc on se montrait moins audacieux. » L’ancien arrière international, ou ailier, persiste pourtant. Il se réclame toujours de René Deleplace, de Pierre Villepreux. Bref, des entraîneurs qui ont théorisé ce rugby de mouvement cher au Stade toulousain. « On ne véhicule pas que l’évitement, la passe et’ce jeu de baballe’, on véhicule cette adaptation permanente et cette intelligence situationnelle : nous adapter à l’adversaire, mais aussi à nous, aux conditions, aux situations. »

« Réflexes communs »

A Toulouse, ces préceptes valent des petits aux grands, y compris pour l’équipe des minimes (moins de 14 ans) où joue aujourd’hui le fils d’Ugo Mola. « Le club essaye de décliner ça. Vous ne pouvez pas demander à des gamins de 10 ans de jouer comme ceux de 16 ans, mais, pour autant, il faut qu’il y ait des réflexes communs, la volonté de déplacer les hommes et les ballons. Cela passe aussi par moins d’affrontements, ou plutôt moins de ralentissements, moins de passages au sol, que nous considérons comme des accidents. »

Pour appliquer ces idées à l’équipe première, qu’il vient aussi de mener jusqu’en demi-finale de Coupe d’Europe, Ugo Mola s’est appuyé cette saison sur un staff élargi. Autour de lui, cinq adjoints qui ont tous auparavant joué au club : Régis Sonnes (coentraîneur), Jérôme Cazalbou (manageur), Clément Poitrenaud (« skills », pour tout le bagage technique), Jean Bouilhou (touche) et William Servat (avants) – ce dernier ayant déjà prévu de quitter le « Stade » à l’issue de la saison pour prendre place dans l’encadrement du XV de France, après la Coupe du monde 2019 au Japon.

Rencontré au mois de mars, Ugo Mola a reçu Le Monde dans la salle vidéo de l’effectif professionnel. Un regard, puis : « Vous voyez, il y a entre 45 et 50 chaises ici. » L’idée étant d’associer le plus possible, pendant la semaine, les jeunes du centre de formation aux séances d’entraînement de l’équipe première « On travaille avec 60 joueurs même si, entre les sélections et les blessures, il n’y en a jamais 60 ensemble. Si on doit prendre des décisions [et intégrer des jeunes dans l’équipe], il faut qu’on connaisse les mecs, et le meilleur moyen de les connaître, d’avoir un avis sur eux, reste de les entraîner. »

Le technicien justifie cette décision « pour baigner tout le monde dans la culture du jeu et du rugby qu’on veut faire », avec sans doute l’intention d’en livrer à nouveau la démonstration contre des Clermontois en quête d’un troisième titre national.