La gardienne Christiane Endler face à la Suède, mardi 11 juin, au Roazhon Park de Rennes. / GONZALO FUENTES / REUTERS

Longtemps, elle a retardé l’échéance. Parade exceptionnelle sur sa ligne après corner, prises de balle assurées, dégagements au poing… Jusqu’à la 83e minute du match contre la Suède, mardi 11 juin, Christiane Endler, la gardienne de l’équipe du Chili, a déployé tout son savoir-faire et préservé son but avant, finalement, de s’incliner à deux reprises.

Pour celles et ceux qui suivent les matchs des clubs français en première division féminine (D1) et en Coupe d’Europe, la partition récitée par celle qui est aussi la capitaine de la sélection nationale chilienne n’aura pas vraiment été une surprise : sous le maillot du PSG, Christiane Endler a été élue meilleure gardienne du championnat cette saison par la Fédération française de football.

A ce talent sur les terrains, la joueuse de 27 ans ajoute une autre dimension : celle de précurseuse, de locomotive et de porte-parole. Première joueuse chilienne à être passée professionnelle et à être partie jouer à l’étranger, Christiane Endler apparaît comme un modèle pour toute une génération de femmes qui aspirent à devenir footballeuses dans un pays où sa discipline au féminin a mis du temps à s’épanouir.

Assise sur une popularité indéniable – elle cumule plus de 500 000 likes et followers sur ses différents réseaux sociaux (Instagram, Twitter, Facebook) –, la portière joue un rôle actif dans le développement du football au Chili. Elle y a ouvert plusieurs écoles, exclusivement féminines. « L’idée est née parce que j’ai vécu au Chili et malgré le fait que des écoles se soient ouvertes et qu’il y a des endroits – mais pas beaucoup – où pratiquer, il n’y avait pas d’école de football qui soit 100 % féminine », relatait-elle à CNN au début du mois de juin.

La première footballeuse professionnelle chilienne

Christiane Endler a commencé à toucher au ballon rond dans le jardin familial, avec ses frères, qui la faisaient souvent jouer dans les buts. Malgré sa motivation, les opportunités pour les filles désireuses de jouer au football sont restreintes. Mais son père la pousse à assouvir sa curiosité sportive et l’inscrit dans une école allemande (il est lui-même allemand), où elle pourra pratiquer le football de manière assidue, en tant qu’attaquante et gardienne, avec des infrastructures lui permettant de progresser rapidement.

Elle se surprend à rêver d’une carrière de footballeuse professionnelle, ce qui relève alors du fantasme dans son pays, et joue au Club Deportivo Santiago Oriente. Elle brille lors de tournois scolaires, où elle est repérée pour la sélection nationale.

En 2007, c’est en tant qu’attaquante que « Tiane », comme l’appellent ses amis, intègre l’équipe nationale des U17. Elle y rencontre Marco Antonio Cornez, ancien gardien international chilien, qui juge qu’avec sa grande taille – 1,82 m – elle ne joue pas au meilleur poste. Elle devient gardienne.

Un an plus tard, elle représente son pays à la Coupe du monde des moins de 20 ans (U20), moment crucial pour son avenir professionnel. Elle gagne son premier titre de joueuse chilienne de l’année – elle le sera cinq fois encore, en 2009, 2010, 2015, 2017 et 2018.

La compétition est un tournant pour le football féminin au Chili, c’est la première fois que des joueuses sont exposées, perçues et traitées comme des professionnelles. L’équipe ne passe pas les phases de groupe, mais rentre dans l’histoire du football chilien. « Je me suis bien débrouillée, expliquait-elle humblement à CNN en juin. J’ai eu beaucoup de reconnaissance, et une université aux Etats-Unis m’a appelé pour que je puisse continuer à jouer, tout en étudiant. A ce moment, j’ai réalisé que je pouvais vraiment faire carrière et gagner ma vie grâce au foot. »

Carrière européenne

Trois ans plus tard, Tiane fait gagner la première Copa Libertadores, la compétition continentale la plus prestigieuse d’Amérique du Sud, à son club, Colo-Colo. Prise par ses études, elle ne participe pas à la première phase de la compétition et rejoint l’équipe en cours de route. Avec une participation décisive puisque lors de la finale contre Foz Catratas, qui se termine aux tirs au but, Endler arrête deux tentatives adverses.

Convoitée par plusieurs clubs européens, la machine s’emballe. Tiane s’envole pour Londres, où elle restera un an, pour défendre les cages de Chelsea. Elle repart ensuite pour son Chili natal et Colo-Colo, avant de revenir sur le Vieux Continent et de faire briller la section féminine de Valencia, qui caracole en tête du classement du championnat espagnol. Lors de la saison 2016-2017, Endler remporte le trophée Zamora de la joueuse qui a encaissé le moins de buts sur la saison : onze en trente matches. L’année suivante, elle rejoint Paris et le PSG, pour remporter la deuxième coupe de France de l’histoire du club.

Le 10 juin, en conférence de presse à la veille du premier match des Chiliennes, la capitaine insistait sur l’expérience inédite vécue par l’équipe : « C’est notre première Coupe du monde, donc on en savoure chaque minute », tout en exposant les intentions du groupe chilien : « Nous ne venons pas seulement pour participer, nous voulons nous qualifier pour les huitièmes. »

Pour espérer une qualification, la redoutable gardienne va devoir une nouvelle fois faire preuve de toute son agilité face aux Etats-Unis, dimanche, sur la pelouse du Parc des Princes.