La ville « pauvre mais sexy » s’est embourgeoisée. Pour lutter contre la flambée des prix des loyers, Berlin a décidé de les geler dès 2020 et de les plafonner durant cinq ans, selon un document présenté mardi 18 juin par la mairie allemande. Les loyers ont beau rester encore nettement moins élevés qu’à Paris ou Londres, ils ont doublé en dix ans. La métropole, qui compte quatre millions d’habitants, est de plus en plus gentrifiée, et le manque de logement se fait de plus en plus sentir malgré sa grande superficie.

« La mairie a décidé que les loyers ne pourront pas augmenter durant cinq ans », a annoncé Katrin Lompscher, élue de la gauche radicale die Linke chargée du dossier au sein de la municipalité. « C’est un signal clair qui a pour but de les ramener à un niveau raisonnable grâce à deux moyens : un gel des loyers et un plafonnement que nous estimons comme essentiels », a-t-elle ajouté lors d’une conférence de presse.

Son projet devra être converti d’ici octobre en loi, laquelle pourrait être votée « au plus tard début 2020 » et qui concernerait tous les logements anciens du parc privé, soit quelque 1,6 million, selon la mairie. Même en cas de modernisation des appartements, une augmentation du loyer de plus de 50 centimes au mètre carré sera à l’avenir soumise à l’approbation des autorités locales. Les logements sociaux et nouveaux appartements qui n’ont pas encore été loués ne seront pas concernés.

Cette initiative, qui fait écho à d’autres dans de nombreuses capitales internationales pour tenter de trouver une parade à la flambée des loyers, est défendue par la municipalité très à gauche de Berlin, composée de sociaux-démocrates, de la gauche radicale et des écologistes.

Amende jusqu’à 500 000 euros

Les locataires estimant leur loyer trop élevé auront, en outre, le droit de le faire vérifier et de déposer un recours. Il pourra alors être abaissé au « loyer autorisé » par la loi, qui s’appuie sur un indice locatif jusqu’à présent uniquement informatif. Quant aux locataires qui emménagent pour la première fois dans un appartement, ils seront également protégés : seul le dernier loyer en vigueur pourra être exigé si les lieux ne sont pas rénovés. Toute infraction à la loi serait passible d’une amende pouvant atteindre 500 000 euros pour les propriétaires.

La ville est sous pression croissante de ses habitants pour agir. Vendredi, une pétition avec 77 000 signatures demandant l’expropriation de grands groupes immobiliers possédant plus de 3 000 logements dans la ville a été remise aux autorités. Le débat sur ce sujet fait rage depuis des mois à Berlin. Et, début avril, des milliers de manifestants avaient à nouveau défilé à Berlin et d’autres villes du pays contre la « folie des loyers ».

Les Berlinois consacrent en moyenne un quart de leur salaire pour se loger, selon le portail immobilier Immowelt, alors que seulement 18,4 % d’entre eux sont propriétaires de leur logement, l’un des plus faibles taux d’Europe. Mme Lompscher a souhaité que cette initiative, une première en Allemagne, « serve d’exemple » partout dans le pays. Car cette thématique ne concerne pas seulement la capitale allemande. D’autres villes comme Munich, Hambourg ou Francfort connaissent également un marché immobilier tendu.

« Erreur »

Après plusieurs résultats électoraux catastrophiques, le parti social-démocrate, allié aux conservateurs d’Angela Merkel au gouvernement, cherche à s’emparer de ce sujet au plan national. « Nous aborderons cette question au sein de la coalition au cours des prochains jours et nous en ferons un enjeu », a prévenu l’un des dirigeants du SPD, Thorsten Schäfer-Gümbel, au Tagesspiegel. Mais la chancelière Angela Merkel a averti vendredi devant la fédération des locataires allemands qu’il ne fallait pas décourager « les groupes à investir dans le logement », estimant que « la meilleure réponse à la pénurie de logements est de créer de nouveaux logements ».

La puissante association de défense des propriétaires Haus und Grund a, de son côté, estimé qu’il s’agissait d’une « erreur qui ne devait pas se reproduire » ailleurs : « une politique durable et sociale sur le logement ne peut réussir qu’avec les propriétaires privés et non contre eux. »