Les joueuses de l’équipe écossaise lors du match face au Japon (2-1) à Rennes, le 14 juin. / STEPHANE MAHE / REUTERS

Une écharpe bleue, brodée à l’effigie du drapeau écossais habille les murs de l’Auld Alliance, au milieu des drapeaux gaéliques et d’affiches des armoiries royales. The Auld Alliance est un vrai pub écossais, niché dans une rue étroite du cœur de Paris, qui vous transporte à Édimbourg le temps d’une pinte et d’une partie de billard.

Cette semaine, c’est surtout le point de rassemblement des supporteurs écossais de voyage en France pour la Coupe du monde de football, comme l’explique Paul, le barman de l’établissement, qui remarque qu’« il y a plus de femmes que d’habitude ». « C’est agréable de voir un public différent. Quand il s’agit de football, les supporteurs écossais sont géniaux. On attend beaucoup de monde pour les jours à venir ».

En cette après-midi étouffante de juin, certains sont déjà installés, çà et là, autour des tables en bois de l’établissement aux lumières tamisées. Karin, Douglas et Arthur discutent autour d’une pinte de blonde. Ils sont venus pour fuir la chaleur parisienne et se retrouver avant la grande échéance de mercredi 19 juin : le dernier match de groupe de l’Écosse, qui va rencontrer l’Argentine au Parc des Princes. Ces trois Écossais ont posé leurs valises à Paris après avoir suivi l’équipe à Nice contre l’Angleterre (2-1) et à Rennes face au Japon (2-1).

Des joueuses porteuses d’espoir

Des trois compères, Arthur est sans doute celui que l’on remarque le plus : béret recouvert de pins, kilt traditionnel et veston en cuir, il arbore fièrement les couleurs de la Tartan Army, le groupe des supporteurs écossais. Il suit l’équipe masculine partout, et cette année, c’était tout naturel pour lui d’encourager les filles pour le Mondial.

« Il y a des choses que l’on ne voit pas avec l’équipe masculine, des petites filles footballeuses qui suivent l’équipe féminine lors des déplacements et avec qui elles entretiennent une vraie proximité. C’est extraordinaire de voir cette connexion des joueuses avec leur public et à quel point elles donnent de l’espoir. Ce sont des modèles pour toutes ces filles qui rêvent de devenir footballeuses », explique Arthur.

Karin et Douglas acquiescent, cette Coupe du monde est l’apothéose d’une aventure particulière : celle de l’essor de la pratique du football par les femmes en Écosse, pays où la fédération interdisait aux filles de jouer au ballon rond jusqu’au début des années 1970. Enfant, Karin avait pourtant bravé les interdits, et a commencé à jouer. « Il y a bien trop longtemps », plaisante-t-elle. « Je jouais avec les garçons », se souvient-elle en souriant.

De retour à Paris, vingt-et-un ans après

Douglas, son compagnon, s’est investi dans le football il y a dix ans, comme coach d’une équipe de jeunes féminines à Édimbourg, où il entraînait notamment Lizzie Arnot, qui joue désormais à Manchester United et en sélection nationale. « C’est très émouvant de les voir atteindre ce niveau de professionnalisation. Le football joué par les filles en Écosse a énormément grandi, et on espère que cette Coupe du Monde, quel que soit le résultat, nous amène à un niveau encore supérieur ».

Ces convictions sont partagées par Steven, pour qui le pub parisien n’est pas inconnu. En 1998, c’était le bar de référence pour tous les Écossais venus encourager leur équipe pour la Coupe du Monde, la dernière à laquelle a pris part l’équipe masculine. Steven était déjà en France avec sa femme cette année-là : « On dit souvent qu’on a dépensé plus d’argent pour ce voyage en France que pour notre lune de miel, plaisante-t-il, mais qu’on a passé un meilleur moment ! », avoue l’Écossais, un large sourire aux lèvres.

Cette année, il est de retour dans la capitale française avec une autre fan, sa fille de treize ans. Cela fait maintenant deux ans que toute la famille suit assidûment l’équipe nationale féminine. Pour l’Euro 2017, déjà, ils étaient allés l’encourager aux Pays-Bas.

Traversée du désert

« Je suis l’équipe féminine car les joueuses sont des modèles pour ma fille, mais aussi pour pouvoir simplement assister à un match de l’Écosse, ça a été une vraie traversée du désert », souligne Steven, taquin. Car les dernières qualifications de l’équipe masculine remontent à 1998 pour un Mondial, et à 1996 pour un Euro.

Les supporteurs écossais ont dû prendre leur mal en patience. « Si vous êtes Écossais, vous êtes obligés d’avoir de l’espoir. Peut-être qu’ils vont se requalifier un jour. Mais c’est vrai qu’ils ont sombré », concède Steven, qui martèle, que finalement, « filles, garçons, en vérité on s’en moque un peu. Dans ma famille, on est des amoureux du football, c’est ça le principal ».

Et les Écossais férus de ballon rond sont anxieux pour le match de mercredi qui opposera leur équipe à l’Argentine, au Parc des Princes. L’Écosse est quatrième du groupe D, avec zéro point au compteur. Quand la discussion dérive sur la voie risquée des pronostics, Arthur préfère plaisanter : « Je n’emploierais pas le terme de “prédiction” pour mercredi, mais plutôt d’espoir ».

Steven lui, est confiant : « Pour l’instant, elles n’ont pas montré tout ce dont elles sont capables. Je n’ai pas envie de faire un pronostic, j’essaie juste de ne pas être trop optimiste. Mais ce match, on va le gagner ! ».

Alors que les pintes se vident et que les espoirs de victoire se lisent plus clairement dans les yeux des supporteurs, Arthur réajuste son béret et conclut : « Quoi qu’il se passe, elles auront gagné. Et on sera là pour les féliciter comme il se doit quand on rentrera à la maison ».