Le Portugal, son soleil, ses plages, ses pasteis de nata et… sa carotte fiscale. En 2013, le pays a en effet ajouté une corde à son arc en accordant dix ans d’exonération aux pensions des étrangers s’y installant au moins la moitié de l’année. Une mesure très médiatisée qui ne doit toutefois pas vous laisser croire que vos pensions seront moins ou pas du tout taxées dès lors que vous quitterez la France. Comment serez-vous imposé ? Trois questions à vous poser.

  • Que dit la convention fiscale bilatérale ?

Cet accord liant l’Hexagone à votre nouvel Etat précise qui taxe quoi. Situation la plus fréquente (Portugal, Vietnam, Australie, Espagne, Malaisie, etc.) : le pays d’accueil impose les retraites issues du privé, et la France celles des fonctionnaires. Notez donc que les anciens fonctionnaires vivant au Portugal ne profitent pas de la fameuse exonération de dix ans. Variante plus rare (Maroc, Tunisie, Sénégal) : toutes les retraites françaises sont taxées par le pays d’accueil. Troisième schéma : toutes restent taxées en France (Etats-Unis, île Maurice, Thaïlande). Dans ce cas, même si le pays favorise fiscalement les étrangers (Malte, Italie), vous n’en bénéficierez pas. Et si, cas peu fréquent, il n’y a pas de convention ? « Vous n’êtes pas à l’abri d’une double imposition », répond Jean Gasté, notaire à Nantes.

  • Etes-vous vraiment non-résident fiscal ?

Pour que votre pension soit taxée dans le pays d’accueil et non ici, encore faut-il, en outre, que vous y soyez considéré comme résident fiscal. Vous le serez, en général, si vous jouez le jeu de l’expatriation : si vous y avez votre habitation permanente et que vous ne gardez pas votre maison en France… Avec un logement dans chaque Etat, ce sera plus compliqué car on essaiera alors de déterminer le centre de vos intérêts vitaux. Pas de souci si, dans votre nouvel Etat, vous avez des revenus supérieurs à vos revenus français. Mais si vos seuls revenus sont vos pensions hexagonales, il sera difficile de considérer que vos intérêts économiques sont ailleurs… Vivre 183 jours par an à l’étranger ne suffit donc pas pour cesser d’être résident fiscal français !

  • Quelle fiscalité dans le pays d’accueil ?

La convention prévoit une taxation de vos pensions dans le pays étranger et vous y êtes bien considéré comme résident fiscal ? Reste à savoir quelle fiscalité pratique cet Etat. S’il traite les étrangers comme ses retraités, dénichez les modalités d’imposition (barème, etc.) et faites vos simulations. Attention, là où les revenus sont moins élevés qu’en France, vous pourrez, avec une pension classique, faire figure de riche, donc être imposé aux tranches supérieures. La taxation sera en outre souvent individuelle et non conjugale. Lorsque le pays réserve un avantage fiscal spécifique aux seniors étrangers (un abattement et une réduction d’impôt sont par exemple prévus au Maroc), n’en déduisez pas que c’est forcément favorable pour vous par rapport à l’impôt français, sortez la calculette. Et vérifiez les conditions pour en profiter.

Si d’autres Etats (Portugal, Israël, Malaisie) vont jusqu’à vous accorder une exonération, temporaire ou non, une épée de Damoclès pèse parfois sur ceux qui en profitent. Car les conventions avec le Portugal et Israël stipulent qu’il faut être assujetti à l’impôt dans le pays d’accueil pour y être résident fiscal. « Si vous n’y payez pas d’impôt, le fisc français pourrait juger que vous êtes encore résident fiscal français et vous taxer. Plusieurs cas nous ont été signalés dans ces pays », rapporte Mehdi Benlahcen, conseiller consulaire à Lisbonne. « Par sécurité, il est bon de mettre un bien en location dans le pays afin de percevoir des revenus fonciers, qui seront taxés localement », conseille maître Paul Moutardier, avocat chez Fidal.

Enfin, vous êtes considéré comme non-résident fiscal français, mais la convention réserve la taxation des pensions à la France ? Vous serez imposé selon des modalités spécifiques.