La réalisatrice Adila Bennedjaï-Zou. / DR

France Culture, à la demande, podcast

« La femme arabe, c’est un cliché : ça sent très vite la danse des sept voiles et le couscous maison. Et croyez-moi, c’est pas agréable de se balader dans la peau d’un cliché. (…) Alors, j’ai voulu comprendre comment était [il] était né et de quelle manière il agissait sur ma vie. » Mission accomplie : à l’issue d’un passionnant voyage en quatre épisodes d’une heure, la documentariste et scénariste Adila Bennedjaï-Zou livre un documentaire sans complaisance sur les multiples lieux communs éculés projetés sur les femmes arabes, entre « objet de fantasme, objet d’effroi et objet d’une politique d’intégration ».

A la première personne, Adila Bennedjaï-Zou trouve des réponses en retraçant l’histoire des femmes arabes de France. Le premier épisode, consacré à la colonisation et à l’arrivée des « pionnières » en France, est l’occasion d’une prise de conscience qui sera filée jusqu’au bout : « le premier territoire que je dois décoloniser, c’est moi-même », affirme la documentariste, qui avoue « un mépris pour [s]on arabité ». Elle se lance donc dans l’exploration et la déconstruction des clichés dont elle est elle-même à la fois l’objet, la victime et parfois le véhicule. « En fait, un couple mixte loge dans ma tête : je suis à la fois la colonisée et le colonisateur. »

Faire partie de la « norme »

C’est ainsi que son « entreprise d’autodécolonisation » l’amène à interroger des femmes de la « deuxième génération ». Retour, avec une journaliste et une historienne, sur les années 1980, un tournant pour les immigrés maghrébins qui décident de rester vivre en France et commencent à réclamer des droits. C’est une période marquée par les crimes racistes, la Marche des Beurs, le débat sur le voile, mais aussi par l’intérêt naissant de la mode pour les beautés arabes et l’émergence de la figure de la « beurette ». La société française est-elle prête à accepter cette partie d’elle-même ?

Oui, répond la documentariste dans le troisième épisode. Mais à une condition : « Pour les femmes de ma génération, la République française s’est montrée plus qu’accueillante. Elle offrait réussite sociale et reconnaissance, pour peu qu’on veuille bien épouser ses valeurs et rompre avec sa famille. » En allant à la rencontre de Nacira Guénif-Souilamas, sociologue du genre, et de Marie Dasylva, coach en empowerment, elle raconte les stratégies qu’elle a déployées pour faire partie de la « norme » et remporter « le concours de l’intégration », peut-être au détriment des frères et des garçons arabes. « Ça fait du mal de le reconnaître, mais je crois que j’ai été un genre de collabo », regrette-t-elle à propos d’Aïcha, série télévisée diffusée par France 2 en 2009, à l’écriture de laquelle elle a participé. L’histoire d’une « petite Arabe dominée qui échappe à sa famille rétrograde en se mariant avec un Blanc, parce qu’évidemment, hors du mariage mixte, il n’y a pas de salut pour elle ».

A la première personne, Adila Bennedjaï-Zou trouve des réponses en retraçant l’histoire des femmes arabes de France

Dans le dernier épisode, Adila Bennedjaï-Zou se tourne vers le présent et les jeunes femmes arabes qui ont « compris qu’elles étaient à l’intersection de plusieurs systèmes de domination » et vivent pleinement leur biculturalité. La question des clichés sur la sexualité, très présente dans tous les épisodes, trouve une conclusion. « Entre lascivité et pudibonderie, il semblerait bien que la sexualité des femmes arabes de France ne soit jamais la bonne. »

Heureuse comme une Arabe en France, réalisé par Anne Pérez, écrit par Adila Bennedjaï-Zou, 4 x 55 minutes, disponible sur France Culture et iTunes.