Pierre Mankowski, ex-sélectionneur de l’équipe de France Espoirs de football (2014-2016), en 2016, au Mans. / JEAN-FRANCOIS MONIER / AFP

Renversante. Mardi 18 juin à Cesena (Italie), jusqu’à la 89e minute du match contre l’Angleterre, personne n’aurait imaginé l’équipe de France espoirs de football remporter (2-1) son premier match du championnat d’Europe, tant elle avait déjoué en première mi-temps, été malmenée en début de seconde période (menée 1-0 à partir de la 54e minute) et fait preuve de maladresse (deux penaltys ratés). De ce match, qui a basculé dans les cinq dernières minutes, Pierre Mankowski, l’ex-sélectionneur des Bleuets (de 2014 à 2016), veut retenir « cette volonté d’y croire jusqu’au bout ». Il estime que l’équipe peut « accomplir de grandes choses » dans cet Euro.

Comment expliquez-vous le fait que les espoirs français soient passés totalement à côté de leur match en première période, manquant même un penalty ?

C’est l’entame d’un championnat d’Europe, contre l’un des favoris au titre. Il est très difficile d’aborder ce genre de rencontres. Cela fait longtemps qu’ils attendaient ce moment. La peur a dû quelque peu les submerger, ce qui fait qu’ils ne se sont pas tout de suite livrés. Il faut un certain temps pour que la machine se mette en route.

Dans des situations comme celle-là, que dit-on à ses joueurs à la mi-temps ?

De se libérer. Cette première mi-temps a été mauvaise, surtout les vingt premières minutes. On leur dit qu’on s’en sort plutôt bien avec un 0-0 à la mi-temps et qu’on ne peut que faire mieux en deuxième période pour, à notre tour, leur poser des problèmes.

Sauf qu’en deuxième période, les Anglais ouvrent le score assez rapidement (54minute)…

L’histoire du match est superbe. Alors qu’on était bien mal embarqué pour se qualifier, finalement en cinq minutes tout bascule et la France l’emporte.

Ils sont menés en début de seconde période et auraient pu être menés plus lourdement encore. Et là, il y a ce carton rouge pour les Anglais à l’heure de jeu qui redonne le moral aux Bleuets, malgré un deuxième penalty, une nouvelle fois manqué. Cela aurait pu les faire douter mais il n’en est rien.

A partir de ce moment-là, ce sont eux qui ont eu la maîtrise du jeu, les Anglais se sont contentés de défendre, ils reculaient de plus en plus. L’égalisation était inéluctable. Après, une fois que l’on égalise, on se dit « pourquoi pas ? » Donc on tente le tout pour le tout.

Après un tel match, en tant que sélectionneur, comment fait-on pour que l’émotion retombe rapidement et garder ses joueurs concentrés sur la suite de la compétition ?

Cela ne sera pas difficile pour la France, mais davantage pour l’Angleterre qui a pris un sacré coup derrière la tête. Du côté français, c’est tout l’inverse, cela se termine en beauté. On pensait qu’ils allaient perdre le match mais à l’arrivée, ce sont eux qui l’emportent, qui prennent les trois points et sont désormais en position favorable.

Je ne pense pas qu’ils vont tomber dans l’euphorie. Sylvain Ripoll [sélectionneur de l’équipe de France espoirs] va bien leur faire comprendre ce qu’ils viennent de vivre, les mettre devant leurs responsabilités et leur expliquer le chemin qu’il leur reste à parcourir pour se qualifier.

Jonathan Ikoné célèbre son but après avoir égalisé contre l’Angleterre, le 18 juin, lors de la première rencontre de l’Euro espoirs. / MIGUEL MEDINA / AFP

Y a-t-il un joueur qui vous a marqué côté français ?

Dayot Upamecano [défenseur central] a été très bon, notamment offensivement. Il a amené beaucoup de percussions, il a entraîné le surnombre avec ses montées. Il s’est comporté en leader, il a tiré ses coéquipiers vers le haut afin d’aller chercher un résultat.

Le forfait de Jonathan Bamba, blessé lors de l’action qui a provoqué le second penalty, peut-elle peser ?

C’est un coup dur pour l’équipe de France, qui perd un élément important. C’est lui qui amène en quelque sorte la victoire des Bleuets avec ce tacle complètement fou du joueur anglais qui prend un carton rouge.

Vendredi 21 juin, face à la Croatie, que faudra-t-il reproduire et ne pas reproduire par rapport à ce que l’on a vu contre les Anglais ?

Il faut rester positif et se rappeler cette deuxième mi-temps, qui a été excellente. Cette volonté d’y croire jusqu’au bout et d’aller chercher l’égalisation puis la victoire dans les dernières secondes de la rencontre. Sylvain Ripoll devrait insister sur ces qualités morales que l’on a pu voir contre l’Angleterre.

La France peut-elle viser la victoire finale dans cet Euro ?

La France peut viser le titre. L’Angleterre compte parmi les favoris, donc cette victoire est très positive. Avant la compétition, les Bleuets étaient considérés comme faisant partie des favoris au titre et ce match contre les « Young Lions » confirme davantage ce statut.

Mais c’est une arme à double tranchant, car cela va aussi galvaniser les adversaires. Il faut qu’ils continuent à être eux-mêmes, qu’ils jouent comme ils l’ont fait, avec beaucoup de solidarité et de volonté lorsque c’était difficile. En y ajoutant le talent individuel de chacun, on peut placer beaucoup d’espoir en cette équipe. Ces jeunes peuvent accomplir de grandes choses.

Un Euro éclair

Ce ne sera que le premier match pour les deux équipes et pourtant, le vainqueur de France - Angleterre, mardi 18 juin, prendra déjà une sérieuse option sur la qualification en phase finale de l’Euro. La compétition, qui ne dure que deux petites semaines, regroupe douze nations. Celles-ci sont partagées en trois poules de quatre équipes. Les premiers de chacun des trois groupes se qualifient, ainsi que le meilleur deuxième parmi les trois poules et jouent directement les demi-finales. Après trois matchs tout peut donc être fini. Et le futur vainqueur de l’Euro n’aura à disputer que cinq matchs pour remporter le titre. Les équipes doivent donc être prêtes d’entrée.