La proposition de loi contre la haine en ligne, portée par la députée de Paris Laetitia Avia (LREM), a franchi, mercredi 19 juin, une étape importante. La commission des lois de l’Assemblée nationale en a terminé l’examen et a, ce faisant, musclé ce texte destiné à la lutte contre certains messages illégaux postés sur Internet.

La logique générale de cette proposition de loi n’est pas de créer de nouvelles infractions ou de sanctionner plus sévèrement les internautes qui postent des messages illégaux (racistes, antisémites…), mais de renforcer le rôle et la responsabilité des principaux réseaux sociaux (Facebook, Twitter, YouTube…) dans leur modération.

Ainsi, lorsqu’un contenu haineux leur sera signalé, ils devront réagir, estimer s’il s’agit bien d’un contenu illicite et, le cas échéant, le supprimer. Le tout en moins de vingt-quatre heures, sous peine d’amende.

Un bouton plus visible pour signaler les contenus

Les députés ont élargi les types de messages qui entreront dans le champ de ce nouveau dispositif, au départ limité principalement aux messages racistes, sexistes et homophobes. L’Assemblée a décidé d’y inclure également les messages à caractère terroriste, pédopornographique, l’apologie des crimes de guerre et des crimes contre l’humanité, le harcèlement et le proxénétisme, les messages comportant des atteintes à la dignité de la personne humaine, ainsi que toute forme d’appel à la haine, à la violence ou à la discrimination sur la base de l’« origine », de la nationalité ou du genre.

Sur la question des propos et messages faisant l’apologie du terrorisme, les députés ont donc choisi de ne pas attendre les résultats des travaux de l’Union européenne, où un règlement portant précisément sur cette question est en cours de discussion.

Les députés ont aussi étendu aux moteurs de recherche (comme Google) les obligations de réactivité, alors que ces dernières ne s’imposaient au début qu’aux réseaux sociaux. Les députés ont également prévu que des plateformes de taille plus modeste que ces grands réseaux sociaux puissent être incluses dans le dispositif.

Outre la lourde sanction administrative que risquent les réseaux sociaux s’ils manquent régulièrement à leur devoir de suppression des contenus illicites signalés dans les vingt-quatre heures, les députés ont introduit une sanction pénale : un délit spécifique de refus de retrait ou de déréférencement de contenus illicites. Ce dernier sera passible d’une amende et d’un an d’emprisonnement.

Les députés ont également précisé la question du bouton qui permettra à n’importe quel internaute de signaler au service en ligne un contenu manifestement haineux. Ce bouton existe déjà, de facto, sur la plupart des grands réseaux sociaux, mais il est parfois peu accessible. La commission des lois a acté le fait qu’il allait devoir être visible directement depuis tous les contenus. De même, lorsqu’un message aura été retiré, le réseau social devra le remplacer par un message d’information.

Le signalement abusif prohibé

Quid des internautes qui signaleraient sans bonne raison des contenus, au seul motif que ces derniers leur déplaisent ? Les députés ont créé un délit de signalement abusif, passible d’un an d’emprisonnement et de 15 000 euros d’amende. L’Assemblée a également précisé que l’auteur des contenus supprimés devrait être informé des recours s’offrant à lui pour contester la décision du réseau social. Le cas échéant, ce message sera assorti d’un rappel des lois qui punissent la publication de contenus haineux, pour un effet que les députés espèrent être dissuasif. La personne ayant signalé le contenu devra aussi être tenue au courant des suites de sa décision.

Les députés ont également ajouté une obligation pour les réseaux sociaux de sensibiliser les plus jeunes à la question de la haine en ligne et, plus généralement, d’afficher de manière explicite les sanctions prévues par la loi en la matière.

Enfin, la commission des lois a précisé le rôle du Conseil supérieur de l’audiovisuel (CSA), dont la loi consacre le rôle de régulateur des contenus haineux sur Internet. Les députés ont précisé les critères qui peuvent conduire le CSA à prononcer une amende pouvant aller, après une mise en demeure, jusqu’à 4 % du chiffre d’affaires de la plate-forme (par exemple si les manquements sont répétés ou si la plate-forme supprime trop de contenus à tort). L’organisme administratif disposera d’une importante latitude pour décider quels types de comportements vis-à-vis des contenus illégaux il désire sanctionner.

Après ce passage en commission, ce texte sera examiné en séance publique, dans le cadre de la session extraordinaire de l’Assemblée nationale, à partir du 3 juillet.