La famille d’une jeune chercheuse, morte lundi 17 juin de la maladie de Creutzfeldt-Jakob, a porté plainte contre l’Institut national de la recherche agronomique (INRA) où elle avait travaillé et où elle aurait été contaminée, en 2010, par un prion responsable de cette maladie. L’affaire a été révélée, vendredi 21 juin, par Mediapart et confirmée par les avocats de la famille comme par l’INRA, qui affirmait, vendredi soir, que « tous les éléments relatifs à l’accident et aux mesures de sécurité seront communiqués aux autorités sanitaires et à la justice ».

L’accident qui pourrait être à l’origine de la contamination remonte à 2010, lorsque la jeune femme travaillait en CDD à l’unité de virologie et immunologie moléculaire (VIM) de Jouy-en-Josas, un laboratoire sécurisé de type P3 spécialisé dans l’étude des prions. Ces agents infectieux sont hautement pathogènes : l’un des variants est responsable de la maladie de Creutzfeldt-Jakob, forme humaine de la maladie dite de la « vache folle ».

Tissus contaminés

Le 31 mai 2010, la jeune femme, assistante-ingénieure âgée de 24 ans, participait à des études sur la neurotoxicité de ces agents pathogènes sur différentes lignées de souris transgéniques. Elle s’est alors piqué le pouce droit avec une pince, qui a traversé ses deux gants en latex et entraîné un saignement. Dans la « déclaration d’accident de service » rédigée le même jour, il est précisé que la « plaie saignante » a été soignée après contact téléphonique avec l’infirmière du centre, le médecin étant absent.

Toutes les précautions ont-elles été prises pour prévenir puis prendre en charge une éventuelle infection ? C’est ce que demandent les avocats de la famille d’Emilie J., Marc et Julien Bensimhon, qui soulèvent quatre questions précises :

  • la jeune femme avait-elle bénéficié de la formation nécessaire face au risque de contamination ;
  • était-elle équipée des gants anticoupures qui auraient pu prévenir l’accident ;
  • le protocole qui impose une décontamination sur place et immédiate a-t-il été respecté ;
  • l’INRA a-t-il veillé à la santé de la jeune femme après cet incident ?

« Nous avons décidé de porter cette affaire sur le terrain médiatique parce que l’INRA s’est désintéressé du sujet », soutient Marc Bensimhon.

« Rien à cacher »

L’INRA, qui ne conteste pas la survenue de l’accident en 2010, a rendu public vendredi un communiqué où l’organisme, qui est placé sous la double tutelle du ministère de l’agriculture et de la recherche, déclare « sa grande tristesse » face au décès de l’ancienne chercheuse, qui avait travaillé à Jouy-en-Josas jusqu’en 2012. « L’INRA a répondu à la famille et aux autorités sanitaires en transmettant les pièces qui étaient demandées, et réaffirme son engagement de transparence », lit-on dans le communiqué. « On n’a rien à cacher, on veut comprendre », rapporte-t-on à la direction de l’organisme.

Parallèlement à la plainte au pénal pour « homicide involontaire » et « mise en danger de la vie d’autrui » déposée à Versailles – où le parquet examine l’opportunité d’ouvrir une enquête, selon l’Agence France-Presse – une enquête administrative est lancée. A la direction de l’INRA, on précise qu’une enquête sanitaire a aussi été confiée à Santé publique France.

L’INRA va, par ailleurs, « contribuer à la mission confiée par la ministre de la recherche à l’Inspection générale de l’administration de l’éducation nationale et de la recherche et à l’Inspection santé et sécurité au travail, destinée à évaluer les mesures de sécurité dans les laboratoires de recherche sur les prions ».