L’attaquant des Girondins Samuel Kalu (de face), lors d’une rencontre entre Bordeaux et Dijon, le 20 janvier 2019. / NICOLAS TUCAT / AFP

Le football a tout donné à Samuel Kalu. La notoriété, la richesse et la gloire. Mais il a failli lui faire perdre l’une des choses les plus précieuses… Sa mère. Le 27 février, Ozuruonye Juliet Kalu, alors en voiture près de chez elle dans l’Etat d’Abia, dans le sud-est du Nigeria, a été kidnappée. Entre le stade des Girondins de Bordeaux, où joue Samuel Kalu, et le Nigeria, où se trouve sa mère au moment du kidnapping, un peu plus de 6 500 kilomètres, de l’angoisse et une négociation avec les ravisseurs.

A 21 ans, le jeune joueur, recruté pour 8 millions d’euros, aurait d’abord payé un montant de 7 000 euros aux ravisseurs, qui en auraient réclamé jusqu’à 36 000 selon des médias locaux. « Quand on m’a appelé pour me dire que ma mère avait été kidnappée, j’ai tout arrêté. Je ne me suis plus entraîné et je n’ai pas dormi pendant cinq jours », raconte-t-il au Monde Afrique.

Les négociations avec les ravisseurs ont duré sept jours. Impossible de savoir si le montant de la rançon a été versé intégralement, mais Mme Kalu, une commerçante bien connue dans son village natal, a finalement été libérée. Secoué, Samuel Kanu a décidé de relocaliser sa famille. Son père, sa mère et le reste des siens habitent aujourd’hui à Lagos, une ville dont les quartiers centraux sont réputés pour être plus sécuritaires. « Je suis soulagé que cet événement soit maintenant derrière moi. Ça ne m’affecte plus, mais je n’aurais jamais pensé que ça aurait pu arriver à ma famille », précise-t-il.

Premier contrat professionnel à 18 ans

Et pourtant. Les enlèvements – plus souvent de travailleurs du pétrole et de riches Nigérians – surviennent régulièrement au Nigeria. Mais de plus en plus de familles de joueurs de football professionnels seraient visées. Lors de la Coupe du monde 2018 en Russie, le père du capitaine de l’équipe nationale a été kidnappé quelques heures avant la rencontre contre l’Argentine. Il a été secouru dix jours plus tard par des policiers. C’était la deuxième fois en sept ans que le père de John Obi Mikel était victime de kidnapping.

Comme plusieurs de ses coéquipiers, Samuel Kalu est issu d’une famille plutôt modeste. Dans un pays où l’on retrouve un taux de chômage élevé chez les jeunes et le plus d’extrême pauvreté au monde, le football représentait pour Samuel Kalu la meilleure option pour grimper l’échelle sociale. Toute sa jeunesse, il a dû convaincre son père de le laisser poursuivre sa passion : « Mon entraîneur et les voisins venaient régulièrement supplier mon père de me laisser jouer. Mais mon père m’a toujours demandé de donner la priorité à mes études. » Jusqu’à son départ vers l’Europe, chemin naturel pour tout bon joueur de football qui rêve de gloire. A 18 ans, il signe son premier contrat professionnel et s’envole pour la Slovaquie. Il passera une autre saison en Belgique, avant d’être signé pour cinq ans avec les Girondins de Bordeaux en août 2018. « J’ai vraiment progressé rapidement. De me retrouver ici à 21 ans, avec ce contrat en poche, c’est une opportunité en or », dit-il.

« Ailier préféré du sélectionneur »

Le jeune ailier droit est par ailleurs en train de s’imposer comme un pilier offensif de la sélection nigériane en vue de la Coupe d’Afrique des nations. « Il est devenu l’ailier préféré du sélectionneur Gernot Rohr après le départ à la retraite de Victor Moses de l’équipe nationale. Il est donc considéré comme un joueur clé des Super Eagles et on espère qu’il fera un bon tournoi en Egypte », analyse Oluwashina Okeleji, commentateur sportif au Guardian Nigeria, l’un des journaux les plus respectés au pays.

Gernot Rohr parle de Samuel Kalu comme d’un exemple de détermination. Sur le terrain comme à l’extérieur. « Il a été très courageux durant ce triste épisode de kidnapping. Il a tout fait pour récupérer sa maman et la sortir de ce coin-là qui était dangereux. Il ne laisse jamais tomber, ni sa famille, ni au football », précise l’entraîneur. Les Super Eagles, classés quatrièmes en Afrique par la FIFA, ne laisseront pas tomber, eux non plus. Alors que commence la Coupe d’Afrique des nations en Egypte, le sélectionneur Gernot Rohr espère voir son équipe monter sur le podium.

Samuel Kalu, lui, préfère rester modeste dans ses attentes. « C’est ma première Coupe d’Afrique des nations. Je veux faire de mon mieux, c’est tout. Avec l’aide de Dieu, on gagnera », dit-il. Si l’histoire de rançon est derrière lui, il pourrait bien trouver la gloire devant lui.

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