Le duo Cassius, formé par Hubert Blanc-Francard et Philippe Cerboneschi dit Zdar. Ce dernier est décédé le 19 juin après une chute accidentelle à Paris. / FRANCK FIFE / AFP

Sorti le 21 juin, s’ouvrant avec le morceau Summer, Dreems, cinquième album du duo Cassius, avait tout pour illuminer notre été. Mais ce disque tout en rayonnante sensualité s’est soudain drapé de noir, endeuillé par la mort de Philippe « Zdar » Cerboneschi, après une chute accidentelle, mercredi 19 juin, du balcon de son appartement parisien.

Zdar et son vieux complice, Hubert « Boom Bass » Blanc-Francard, effectuaient pourtant là un retour au meilleur de leur forme, trois ans après l’échec de leur précédent album, le sans doute trop ambitieux Ibifornia (2016). Cet arc-en-ciel pop-house-soul-hip hop-electro, hommage conjoint à l’île d’Ibiza et à la Californie, avait souffert - malgré quelques beaux moments -, d’une interminable gestation et d’une méticulosité rognant l’allant instinctif du binôme.

Depuis la publication, il y a 20 ans, de leur premier album, 1999, manifeste house, marqueur de la French touch, la courte discographie de Cassius a ainsi balancé entre un sens irrésistible du groove, cultivé par leur activité de DJ, et une sophistication sonore marquée par leur expérience de réalisateurs artistiques et leur éclectique culture musicale.

Spontanéité

Alors que 10 ans avaient séparé 15 Again (2006), troisième album aux touches pop-rock, d’Ibifornia, Boom Bass et Zdar ont décidé de placer leur nouvel opus sous le signe de la spontanéité. Comme pour retrouver en studio l’agilité ludique de leurs sets de DJ, les deux amis avaient promis d’enregistrer leur disque en trois semaines. Trois mois ont finalement été nécessaires pour finaliser le projet dans l’environnement classieux du Motorbass Recording Studio, appartenant à Zdar. Un timing tout de même express en comparaison de leur rythme de travail habituel.

Enchaînant les titres comme pour un mix dans un club, Dreems tient ses promesses de lâcher-prise. Des invités, déjà croisés dans Ibifornia, semblent s’amuser avec plus de légèreté sur ces pistes de danse. A l’instar de John Gourley, chanteur du groupe américain Portugal The Man, dont les gimmicks vocaux s’adaptent à merveille à l’ambiance funky d’un Nothing About You sous grande influence Prince, ou du Beastie Boy Mike D, dont le phrasé de garnement emballe un Cause Oui très new-yorkais.

La moiteur des night-clubs historiques de la « grosse pomme » habite aussi un Fame dont la basse noctambule se promène du côté du Studio 54, à la rencontre de Bowie et Grace Jones. Retrouvant l’instinct des as de la house, Cassius fait monter la température avec les boucles urbaines de Chuffed et la transe robotique de Calliope.

Si l’album se fond en un bloc, il s’aère de plaisirs variés, comme pour s’adapter à toutes les options d’une journée estivale. La plage n’est ainsi jamais très loin des platines. Comme le suggèrent les embruns « balearic » de Vedra ou de Summer, avant que la Cannoise anglophone Owlle amplifie le sex-appeal de Don’t Let Me Be ou les rêves plus pop de Dreams et de Walking in the Sunshine, marchant sur les traces des Australiens de Tame Impala.

Si le drame gâche pour l’instant la fête, cet album radieux permettra de se souvenir de la personnalité solaire de Philippe Zdar.

Dreems de Cassius (Caroline)