Une affiche de propagande en faveur de l’ex-général Mohamed Ould Cheikh Mohamed Ahmed, dit Ould Ghazouani, dans une rue de la capitale Nouakchott. / SIA KAMBOU / AFP

Dès 7 heures locales (9 heures à Paris), samedi 22 juin, les Mauritaniens sont appelés aux urnes pour désigner le successeur du président sortant Mohammed Ould Abdel Aziz, qui ne peut se représenter. Les premiers résultats attendus en début de semaine prochaine. Un second tour sera organisé en juillet si aucun des candidats ne recueille plus de 50 % des suffrages.

Ce scrutin doit marquer la première transition entre un président sortant et son successeur élu dans ce pays secoué par de nombreux coups d’Etat de 1978 à 2008. Arrivé au pouvoir par un coup d’Etat en 2008, Mohamed Ould Abdel Aziz, qui était alors général, s’est ensuite fait élire en 2009, puis réélire en 2014 lors d’un scrutin boycotté par les principaux partis d’opposition.

Il a assuré la stabilité de ce pays de 4,5 millions d’habitants frappé dans les années 2000 par des attentats djihadistes et les enlèvements d’étrangers en menant une politique volontariste : remise sur pied de l’armée, surveillance accrue du territoire et développement des zones reculées.

Des risques de fraude évoqués

Pour lui succéder au terme de ses deux mandats constitutionnels, le pouvoir a choisi comme candidat son compagnon de toujours, Mohamed Ould Ghazouani, qui a été chef d’état-major pendant dix ans, puis quelques mois ministre de la défense. Tout autre choix constituerait un « retour en arrière », a affirmé le président sortant lors de l’ultime meeting de M. Ould Ghazouani jeudi soir sur le site de l’ancien aéroport de la capitale, devant quelque 10 000 personnes, dont de nombreux jeunes. M. Ould Abdel Aziz a prédit une élection de son compagnon d’armes dès le premier tour.

Mais celui qui apparaît comme son rival le plus sérieux, l’ancien chef de gouvernement de transition (2005-2007) Sidi Mohamed Ould Boubacar, estime que « la majorité des Mauritaniens a envie de tourner la page de ces dix dernières années », dans un entretien à l’Agence France-Presse (AFP). Ce « candidat indépendant », soutenu par une large coalition comprenant le parti islamiste Tewassoul, principale formation d’opposition, ainsi que par le puissant et richissime homme d’affaires Mohamed Ould Bouamatou, a réuni jeudi soir des milliers de ses partisans dans un stade comble de Nouakchott.

Il a mis en garde contre les risques de fraude, tout comme les autres candidats de l’opposition, dont le militant antiesclavagiste Biram Ould Dah Ould Abeid, déjà présent en 2014, liés par un engagement à se soutenir en cas de second tour le 6 juillet.

Mais les cinq adversaires du candidat du pouvoir, l’ex-général Mohamed Ould Cheikh Mohamed Ahmed, dit Ould Ghazouani, dénoncent une tentative de perpétuation du régime de Mohamed Ould Abdel Aziz et des risques de fraude.

Le président sortant justifie la détention d’un blogueur

Les critiques de la Mauritanie se focalisent sur le respect des droits fondamentaux, dans une société marquée par des inégalités ainsi que des disparités entre communautés arabo-berbère, haratine (descendants d’esclaves de maîtres arabo-berbères, dont ils partagent la culture) et afro-mauritanienne, généralement de langue maternelle d’ethnies subsahariennes.

Dans une conférence de presse en forme de bilan en toute fin de campagne, M. Ould Abdel Aziz a justifié le maintien en « détention administrative » de Cheikh Ould Mohamed Ould Mkheïtir, l’auteur d’un billet de blog jugé blasphématoire ayant pourtant purgé sa peine, cas emblématique de la liberté d’expression en Mauritanie pour les organisations de défense des droits humains. Ce dernier est détenu depuis plus de cinq ans, alors que sa condamnation à mort pour « apostasie » a été ramenée en appel à deux ans de prison en novembre 2017.

Le président sortant explique sa détention par « sa sécurité personnelle aussi bien que celle du pays », invoquant le risque de troubles. Mais une avocate du blogueur, Fatimata Mbaye, a qualifié ces propos de « choquants », appelant dans une déclaration à l’AFP le prochain président, quel qu’il soit, à considérer cette affaire comme « un dossier à régler le plus rapidement possible ».