L’ancien président béninois Boni Yayi à Cadjehoun, un quartier de Cotonou, le 19 avril 2019. / YANICK FOLLY / AFP

L’ancien président du Bénin Thomas Boni Yayi était dimanche 23 juin à Lomé, au Togo, au lendemain de son départ de Cotonou et après deux mois de crise politique, de siège de son domicile par la police et de violences, notamment dans le nord du pays.

Samedi, Boni Yayi, principal opposant du président Patrice Talon, a quitté le Bénin pour se faire soigner, selon son entourage. L’un de ses proches a indiqué dimanche matin à l’AFP qu’il se trouvait à Lomé. Mais le Togo pourrait ne pas être sa destination finale. « On ne peut pas dire pour l’instant dans quel pays il ira suivre les soins, mais il a déjà quitté le Bénin », a expliqué à l’AFP Nourénou Atchadé, le porte-parole de son parti, Forces cauris pour un Bénin émergent (FCBE).

Il s’agit de « la fin d’un traitement humiliant infligé pendant plus de cinquante jours à l’ancien président Boni Yayi », a salué dimanche l’ancien chef de l’Etat Nicéphore Soglo (1991-1996). « La lutte n’a pas été vaine », a-t-il ajouté, affirmant que plusieurs dirigeants africains, dont le Rwandais Paul Kagame et le Nigérian Muhammadu Buhari, ont pesé pour obtenir « la libération du domicile de Boni Yayi ».

Convoqué par la justice

Ce départ surprise intervient après des semaines de fortes tensions entre le président Talon et son prédécesseur et après des violences, notamment à Tchaourou, ville d’origine de Boni Yayi, et à Savè. « Ce sont en partie les soulèvements de Tchaourou et Savè qui ont décidé le président Patrice Talon à lever le blocage », a d’ailleurs affirmé Nourénou Atchadé. Ces deux villes ont été le théâtre de violences qui ont fait au moins deux morts civils et des dizaines de blessés du côté des forces de l’ordre, mi-juin, après une première série de manifestations réprimées à balles réelles les 1er et 2 mai autour du domicile de Boni Yayi à Cotonou.

Une délégation de chefs traditionnels et de responsables locaux a été reçue cette semaine par Patrice Talon. C’est au terme de ces négociations que, samedi matin, la police a annoncé que Cadjehoun, le quartier de Cotonou où se trouve la résidence de Boni Yayi, était « libéré de tout dispositif policier ». « Nous voulons ardemment la paix maintenant », avait déclaré vendredi le président béninois, promettant avoir « pris des mesures » pour résoudre cette crise. « Je n’ai pas de problème personnel avec Boni Yayi », c’est « un ami », avait ajouté M. Talon à propos de son prédécesseur, principal opposant du régime après avoir passé dix années au pouvoir (2006-2016).

Boni Yayi avait dénoncé « un coup d’Etat électoral » lors des législatives du 28 avril, auxquelles aucun parti de l’opposition n’avait été autorisé à présenter de candidats, et appelé le président Talon à annuler le processus électoral et la population à se soulever. Mais sa maison avait été presque immédiatement encerclée. Début juin, il avait reçu une convocation pour être entendu par un juge, une audience que ses avocats avaient finalement refusée, arguant de ses problèmes de santé dus au stress, lié notamment au siège de son domicile. Mais « dès que sa santé le permettra », il s’expliquera devant la justice, a assuré son porte-parole sur Radio France internationale (RFI).

Une « guerre des égos »

Pour Expédit B. Ologou, politologue et président du centre d’analyse Civic Academy for Africa’s Future (Ciaaf), basé à Cotonou, « la vie socio-politique béninoise depuis quelques années est prisonnière de la guerre des égos entre deux individus : Patrice Talon et Boni Yayi ». Alors que Boni Yayi était président, Patrice Talon avait ainsi été forcé lui-même à l’exil entre 2012 et 2015, accusé de « tentative d’empoisonnement » contre le chef de l’Etat.

Mais pour Gilles Yabi, analyste politique pour l’Afrique de l’Ouest et fondateur du think tank Wathi, « il serait réducteur de penser que la crise politique que connaît le Bénin n’est qu’un combat entre deux hommes ». « Il semble y avoir un plan systématique et méthodique pour contrôler les institutions et la scène politique du pays », observe-t-il auprès de l’AFP.

De nombreux observateurs locaux et internationaux dénoncent aussi un tournant autoritaire du chef de l’Etat béninois, élu en avril 2016, dans un pays réputé pour être un exemple démocratique en Afrique de l’Ouest. La grande majorité des opposants à M. Talon vivent désormais en exil, craignant des mesures judiciaires à leur encontre s’ils reviennent au Bénin.