Devant l’usine Alstom de Séméac (Hautes-Pyrénées), le 15 février. / Regis Duvignau / REUTERS

La déception du mariage annulé avec Siemens semble digérée, et Alstom paraît s’accommoder désormais d’une vie de célibataire, qui, finalement, a quelques avantages. Quatre mois après le blocage par la Commission européenne de sa fusion avec la branche mobilité du conglomérat allemand, le constructeur ferroviaire français a présenté, lundi 24 juin, sa nouvelle feuille de route pour les années 2019-2023. Et celle-ci ne manque pas d’ambition.

Tout sourire, Henri-Poupart-Lafarge, le PDG du groupe de Saint-Ouen (Seine-Saint-Denis), s’est félicité, devant un groupe de journalistes, du fait de se retrouver « seul acteur industriel global du ferroviaire à être un pure-player dans son secteur », contrairement à ses concurrents Siemens, Thales ou Bombardier, dont les activités mobilité ne sont que des divisions d’un plus vaste conglomérat, ou au mastodonte chinois CRRC, qui reste embryonnaire hors de Chine.

Un groupe moins gros que prévu, mais finalement plus libre, plus alerte, plus innovant et dont le plan baptisé « Alstom in Motion (AiM) » – « Alstom en mouvement » – prévoit une croissance annuelle moyenne de 5 % de son chiffre d’affaires (8 milliards d’euros, lors du dernier exercice) et une marge d’exploitation ambitieuse d’environ 9 % à la fin du plan.

Marge et carnet de commandes améliorés

Si l’annonce a été saluée par la Bourse (l’action a grimpé de 2,3 %, lundi), c’est qu’Alstom s’est rendu crédible avec son précédent plan stratégique 2015-2020. L’amélioration de la marge, qui est passée à 7 % en 2019, et du carnet de commandes, qui atteint 40 milliards d’euros aujourd’hui, a marqué les esprits. Cette stratégie « a porté ses fruits, parce que maintenant on est l’acteur le plus global [présent dans le monde entier] du monde ferroviaire, et on a crû plus vite que le marché sur les quatre dernières années », s’est félicité M. Poupart-Lafarge.

Dans cette nouvelle étape, l’expansion géographique n’est plus une priorité. Il n’y a, il est vrai, plus la même urgence qu’il y a quatre-cinq ans à être moins dépendants de l’Europe et de la France. Le marché historique d’Alstom a, en effet, repris de la vitalité, porté par le très gros marché du TGV nouvelle génération qu’achète la SNCF et par de nombreuses commandes de RER, de métros et de tramways en Ile-de-France.

C’est plutôt du côté des services, facilités par le numérique, qu’Alstom espère voir venir la croissance. « Les opérateurs (SNCF, RATP) sont de moins en moins nos clients, souligne M. Poupart-Lafarge. Ce sont désormais les autorités de transport, comme les villes ou les régions, qui achètent nos matériels. » C’est, du coup, l’occasion de vendre en parallèle à ces institutions la maintenance du matériel pendant plusieurs années. Et la généralisation de la concurrence en matière ferroviaire, qui est en train d’arriver en France, facilite également la vente de ce type de services.

« Mobilité verte »

Siemens n’étant plus le partenaire, il redevient concurrent. Et Alstom espère lui rogner quelques parts de marché dans l’activité très porteuse de la signalisation automatique haut de gamme. Un secteur dans lequel l’allemand est aujourd’hui le leader.

Et puis, en se regardant dans le miroir, Alstom s’est finalement trouvé d’un beau vert écolo très tendance. Henri Poupart-Lafarge n’hésite pas à appeler l’Europe à prendre des « mesures fortes pour la mobilité verte », qui permettraient à Alstom de plus facilement écouler ses innovations, comme le train à hydrogène ou le bus-tram électrique. Le groupe a d’ailleurs intégré cette particularité à sa nouvelle signature : Mobility by Nature (« mobilité par nature »). Un slogan qui joue sur le mot nature que le ferroviaire contribue à protéger mieux que la plupart des autres modes de mobilité.