L’excellent « Towerfall » a fait ses débuts sur Ouya. Et rien que pour ça, elle n’aura pas vécu en vain.

Six ans, jour pour jour : cela aura été la durée de vie de la Ouya, éphémère console cubique, censée révolutionner l’industrie du jeu vidéo, et dont les serveurs se sont éteints, mardi 25 juin, dans l’indifférence générale. S’il est toujours possible d’accéder à sa boutique en ligne, ses jeux, eux, sont désormais inaccessibles.

L’annonce de la Ouya avait pourtant suscité l’enthousiasme : en juillet 2012, ses créateurs lancent en effet une campagne de financement participatif, une première pour une console de jeu. Le principe : pour 95 dollars (72 euros d’alors), les clients intéressés peuvent réserver cette petite console capable de faire tourner, sur grand écran, des jeux Android (comme les téléphones du même nom).

L’idée est double : créer une console accessible à toutes les bourses, mais aussi à tous les développeurs, y compris ceux qui n’ont pas les moyens de travailler pour les « grosses » machines que sont les PlayStation, Xbox ou l’alors future Wii U de Nintendo.

Emballement

Le concept séduit et la machine s’emballe : alors que les développeurs espéraient réunir 950 000 dollars, les précommandes leur permettent d’en amasser 8,5 millions. Pourtant, près d’un an plus tard, alors que la Ouya arrive chez ses acquéreurs empaquetée dans un joli carton « Thank you for believing » (« Merci d’y croire »), l’enthousiasme retombe.

Les problèmes sont multiples. La qualité de la finition de la console, et surtout de sa manette, est loin de faire l’unanimité. Ouya déçoit aussi les hackers et bidouilleurs de tout poil, qui se réjouissaient de voir arriver une console présentée comme « ouverte », et qui en réalité interdit d’installer autre chose qu’une sélection de jeux triés sur le volet.

Surtout, l’offre en jeux est rachitique. Rares sont les développeurs à se donner la peine de créer des titres pour la confidentielle Ouya, alors qu’elle embarque exactement le même matériel que n’importe quel smartphone Android milieu, voire bas de gamme – appareil autrement mieux distribué, et donc susceptible de toucher bien plus de clients. En outre, Ouya impose aux développeurs que tous les jeux possèdent une version de démonstration gratuite : un vrai casse-tête.

Résultat, la Ouya ne décolle jamais et, bientôt, fait l’objet de moqueries. En juillet 2015, le fabricant de matériel informatique Razer rachète le catalogue de la Ouya pour alimenter son propre boîtier TV Android. Mais pas question pour Razer de continuer à commercialiser la console, qui meurt donc officiellement cette année-là. En revanche, la boutique en ligne de la machine lui survit pendant quatre ans, rendant possible, jusqu’à ce 25 juin, d’y acheter des jeux.

Quelques jeux marquants

Malgré sa courte existence et le désintérêt des développeurs, la Ouya aura tout de même connu quelques titres marquants.

  • Le premier annoncé : « Human Element » (jamais sorti)

Ce devait être la toute première exclusivité de la Ouya, annoncée en grande pompe en 2013 : un épisode liminaire pour Human Element, racontant les prémices de ce jeu de survie et de zombies. Développé par un des responsables de la série Call of Duty : Modern Warfare, Human Element ne manquait pas d’ambition : laisser le joueur se battre sur PC et console, et emporter sa partie sur smartphone ou tablette pour planifier sa stratégie. Las : le projet est vite tombé à l’eau. La version Ouya est même la première a avoir été annulée, dès 2014.

Human Element Gameplay Trailer (PC, Xbox One, PS4) (Human Element Gameplay)
Durée : 01:14

  • Le plus connu : « Towerfall » (2013), disponible aussi sur PC, PlayStation 4 et Switch

C’est la star du catalogue Ouya : une relecture du jeu multijoueur et hyper-convivial Bomberman, dans lequel les flèches et les arcs remplaceraient les bombes. Neuf mois et 7 000 exemplaires vendus plus tard, Towerfall sort dans une version enrichie sur PlayStation 4 et PC, puis, quelques années plus tard sur Xbox One et Switch. Mais pendant neuf mois, la Ouya aura été la console la plus cool du monde.

OUYA - Only on OUYA - TowerFall
Durée : 00:58

  • Le plus délirant : « Duck Game » (2014), disponible aussi sur PC, PlayStation 4 et Switch

Aussi délirant que Towerfall est technique, Duck Game est l’autre grand jeu multijoueur de la Ouya. Rapide, hystérique même, Duck Game plonge les protagonistes (des canards, donc) dans des arènes variées, et les équipes d’armes totalement ridicules rappelant les grandes heures de la série Worms.

OUYA PRESENTS: DUCK GAME
Durée : 02:06

  • Le plus téléchargé : « Bombsquad » (2013), disponible aussi sur Mac et Android

Il y a des mystères que la science explique mal. Parmi eux : le succès de Bombsquad, une compilation de mini-jeux (on pense à un mix de Mario Party et de Bomberman) trônant depuis des années au sommet des charts de la Ouya, et à peu près inconnue partout ailleurs. Preuve en tout cas s’il en fallait que si la Ouya a réussi à donner un peu de bonheur, c’est aux amateurs de soirée jeux vidéo sur canapé, avec une pizza et jusqu’à huit manettes.

OUYA - BombSquad - Trailer
Durée : 00:52

  • Le préféré de la rédaction : « No Brakes Valet » (2013), disponible aussi sur PC, Android et iOS

Un parking. Des tas de voitures. Zéro frein. Seul ou à deux, vous devez garer un maximum de véhicules sur un nombre limité de places de parking, sans freiner ni causer trop de dégâts. D’autant plus difficile que finissent par débarquer des limousines, des camions plein de poulets, ou des citernes remplies de nitroglycérine. Très laid mais vraiment drôle.

No Brakes Valet [Ouya Gameplay]
Durée : 02:51

  • Le plus ambitieux : « That Dragon, Cancer » (2016), disponible aussi sur PC et iOS

Changement d’ambiance : à une époque, Ouya a eu l’ambition de financer le développement d’exclusivités, tels que le bouleversant That Dragon, Cancer, œuvre sensible traitant de la maladie et de la mort – celle d’un enfant. Et puis, à une autre époque, pas bien longtemps après, Ouya s’est rendu compte qu’il n’avait pas assez de fonds pour permettre aux développeurs de That Dragon, Cancer de finir leur jeu. Alors ils sont allés en chercher ailleurs, et Ouya n’a pas eu d’autre choix que d’accepter que le jeu sorte aussi sur PC et iPhone. Cela reste un des titres les plus ambitieux de la petite console. Un des derniers aussi.

That Dragon, Cancer - Ouya Trailer
Durée : 01:01