Les actionnaires Nissan entrent en réunion à Yokohama le 25 juin pour valider un nouveau schéma de gouvernance. / TOSHIFUMI KITAMURA / AFP

Le patron de Nissan s’est dit prêt, mardi 25 juin, devant les actionnaires de l’entreprise, à discuter avec le partenaire français Renault de la structure de l’Alliance, fragilisée par l’éviction de son bâtisseur Carlos Ghosn.

Hiroto Saikawa, qui a récemment rejeté une offre d’intégration du constructeur français, insistant sur la nécessité de redresser Nissan d’abord, a adouci sa position lors de l’assemblée générale ordinaire à Yokohama, dans la banlieue de Tokyo.

« Nous avons repoussé les discussions [sur l’avenir de l’Alliance], mais ce report peut engendrer un affaiblissement de la coopération et affecter les opérations au quotidien », a lancé M. Saikawa qui s’est donc dit disposé à reprendre le dialogue avec le président de Renault, Jean-Dominique Senard.

« Nous devons trouver une structure qui rende l’Alliance pérenne : devons-nous revoir les participations croisées ? Peut-être, peut-être pas », a précisé le patron de Nissan. « Si le déséquilibre devient un facteur d’instabilité, alors nous mettrons le sujet sur la table. »

Renault détient 43 % de Nissan, mais ce dernier ne possède que 15 % du groupe au losange et pas de droit de vote.

Attachement de la France

Dans le même temps, Hiroto Saikawa a tenu à rassurer des actionnaires inquiets, l’un d’entre eux l’appelant à « ne pas sacrifier Nissan ». « Nissan restera Nissan, il n’y a pas de changement sur ce point », a répondu le patron du groupe, insistant sur « l’autonomie » des différents membres de la première alliance automobile au monde, qui compte aussi Mitsubishi Motors.

Jean-Dominique Senard a lui été interpellé par un participant très remonté après les récents événements : une proposition d’intégration dont Nissan ne voulait pas, puis un projet de rapprochement avec Fiat Chrysler (FCA) dont le constructeur de l’Archipel n’avait pas été informé et enfin une menace de blocage de l’assemblée générale.

« En tant qu’administrateur de Nissan, quelle est votre mission, M. Senard ?, s’est énervé ce petit porteur. Les six premiers mois, vous auriez dû prendre le temps d’observer et de bâtir une relation de confiance. »

Le responsable de Renault a assuré de sa bonne foi, de sa volonté de tout faire « pour le bien » de la compagnie nippone. « Depuis que je suis arrivé, j’ai tout fait pour apaiser » les tensions de l’Alliance, a-t-il dit, rappelant notamment avoir « abandonné son droit » à présider Nissan.

Quant à une fusion avec FCA, « cela aurait été un projet formidable pour Nissan et pour l’Alliance », a estimé M. Senard, regrettant « cette occasion perdue ». « Je vous prie de me croire, je n’avais aucune intention agressive », a-t-il répété à plusieurs reprises, et « je m’excuse une nouvelle fois si vous en éprouvez du ressentiment à mon égard ».

Enfin, sur la réforme de la gouvernance, le président du conseil d’administration de Renault voulait simplement « équité et parité », a-t-il justifié.

Les deux parties sont finalement parvenues à un compromis. La réunion devait se conclure sur un vote positif de la réforme par Renault, à la veille de l’arrivée au Japon du président français Emmanuel Macron, qui vient délivrer un message clair : « l’attachement fort de la France à l’Alliance » née il y a vingt ans.

« Un plan de succession »

Selon l’accord trouvé, Jean-Dominique Senard, mais aussi le directeur exécutif de Renault Thierry Bolloré, siégeront au sein de deux des trois comités créés pour renforcer les contrôles internes (nominations, audit et rémunérations).

Ce nouveau schéma de gouvernance marque l’aboutissement dans la douleur d’une réforme déclenchée par l’arrestation de l’ancien patron de Nissan, Carlos Ghosn, accusé d’avoir abusé de son pouvoir à des fins personnelles. C’est la deuxième fois cette année que le constructeur de Yokohama tient une assemblée générale après celle, extraordinaire, du 8 avril, pour révoquer M. Ghosn.

Les actionnaires sont aussi appelés à valider la nouvelle composition du conseil d’administration, profondément remanié et élargi à onze membres, dont sept administrateurs externes.

Dans cette mouture, un nom faisait débat : celui de Hiroto Saikawa. Cet ancien fidèle de M. Ghosn – qui lui avait passé les commandes exécutives au printemps 2017 – a toutefois été reconduit au conseil d’administration.

Mais mardi, comme en avril, des actionnaires se sont étonnés qu’il ne se soit pas rendu compte plus tôt des dérives aujourd’hui reprochées à Carlos Ghosn. M. Saikawa a promis de préparer au plus vite « un plan de succession » après ce « jalon majeur » qu’est l’assemblée générale.