Le président américain Donald Trump, le 18 juin 2019, lors d’un meeting de campagne à Orlando (Floride). / Evan Vucci / AP

La sanction est symbolique. Donald Trump a annoncé, lundi 24 juin, dans le bureau Ovale de la Maison Blanche des sanctions pour geler les actifs financiers du Guide suprême Ali Khamenei et contre huit commandants militaires iraniens. Les mesures seraient financièrement peu opérantes, la presse américaine estimant que le Guide dispose d’un empire financier considérable placé à l’abri.

L’enjeu est de savoir si ces nouvelles mesures hypothèquent l’avenir. Oui, si l’on considère que les sanctions accumulées sont dures à lever et qu’il faudra alors se justifier (par exemple pour retirer les gardiens de la révolution de la liste des organisations terroristes) même en cas de changement de locataire de la Maison Blanche. Non, si l’on observe le comportement passé de M. Trump. Le président a affiché en 2018 sa meilleure entente avec le président nord-coréen Kim Jong-un après l’avoir traité de « rocket-man ». En 2018, le président avait aussi provoqué la cessation d’activité de la société chinoise de télécoms ZTE avant de se raviser, au grand dam du Congrès.

L’expert du Carnegie Endowment for International Peace, Karim Sadjadpour, compare la stratégie iranienne de Trump à une peinture de Jackson Pollock, incohérente, comme en attestent ses Tweet : « Si l’Iran veut combattre, cela sera la fin officielle de l’Iran », a ainsi tweeté un jour Donald Trump, avant d’écrire que l’Iran « a une chance d’être un grand pays avec le même leadership ».

Le temps joue pour les Etats-Unis

En renonçant in extremis à bombarder l’Iran pour éviter la mort de 150 personnes, M. Trump aurait fait preuve de faiblesse et révélé qu’il est maintenu dans l’ignorance, à en croire l’ancien conseiller sécurité d’Obama Ned Price. Ce dernier estime contraire aux usages que le président n’ait pas été informé en amont du raid des pertes potentielles. Ses conseillers répètent au contraire qu’il convient de ne pas prendre la retenue de Trump pour de la faiblesse.

Sur le fond, le temps joue pour les Etats-Unis : c’est la thèse exposée de l’éditorialiste du Washington Post David Ignatius mais aussi de Ray Takeyh, expert du Council on Foreign Relation. Selon lui, l’administration Trump ne s’est pas retrouvée isolée lorsqu’elle est sortie unilatéralement de l’accord nucléaire avec l’Iran en 2018. Les entreprises européennes ont décidé de facto d’appliquer les sanctions américaines et ont renoncé à investir en Iran. Enfin, son PIB est en chute tandis que ses exportations de pétrole se tarissent.

« L’Iran a bien plus à gagner à une négociation avec les Etats-Unis qu’à poursuivre une confrontation », Ray Takeyh, expert du Council on Foreign Relation

Etranglé, le pays chercherait à s’en sortir. « L’Iran a bien plus à gagner à une négociation avec les Etats-Unis qu’à poursuivre une confrontation », écrit Ray Takeyh, qui estime que l’Iran doit d’abord afficher des victoires avant de retourner à la table des négociations. Téhéran n’a donc cessé de provoquer les Etats-Unis mais à n’a pas commis l’irréparable – ils n’ont pas battu un avion espion américain.

L’agenda américain incertain

« Il n’y a pas de négociations en coulisses entre le gouvernement américain et le gouvernement iranien », a déclaré l’envoyé spécial du département d’Etat pour l’Iran Brian Hook. « Ils savent où nous trouver. » Certes, mais en 2018, les négociations avec la Corée du Nord avaient donné lieu à des voyages secrets du patron de la CIA d’alors, Mike Pompeo. Les contacts seront compliqués si le ministre des affaires étrangères, Mohammad Javad Zarif, qui incarne l’aile modérée du régime, est à son tour sanctionné comme l’a annoncé le secrétaire au Trésor, Steven Mnuchin.

L’agenda américain reste toutefois incertain. « La requête américaine pour l’Iran est très simple : pas d’armes nucléaires et fin du soutien au terrorisme », a répété Donald Trump qui dit ne pas mettre de préconditions à des discussions bilatérales et veut créer une coalition pour sécuriser le détroit d’Ormuz. Son propos reste plus modéré que le plan en douze points de Mike Pompeo qui exige, de facto, un désengagement iranien total de la région.