Un jeune homme vapote dans les rues de San Francisco, le 17 juin, alors que la ville vient de décider l’interdiction de la cigarette électronique. / SAMANTHA MALDONADO / AP

Début juin à San Francisco, la scène avait indigné nombre de participants à la convention du Parti démocrate de Californie. Parallèlement aux interventions des orateurs, dont les principaux ténors du parti, la liste des sponsors de la manifestation défilait sur un écran, à côté de la tribune. Parmi eux : Juul, le fabriquant de cigarettes électroniques jugé responsable d’une épidémie d’addiction des adolescents à la nicotine.

Les efforts de lobbying n’ont pas suffi. Mardi 24 juin, la très démocrate San Francisco est devenue la première ville américaine à interdire la vente de cigarettes électroniques dans les magasins. L’ordonnance, adoptée à l’unanimité des onze élus, bannit aussi leur distribution à une adresse locale et leur fabrication. Elle entrera en application début 2020.

Il ne s’agit pour l’instant que d’un moratoire, dans l’attente des conclusions de la Food and Drug Administration (FDA), l’agence de réglementation des médicaments et des aliments, sur les conséquences de la cigarette électronique pour la santé.

Mais celles-ci n’étant pas prévues avant 2022, les élus ont choisi le principe de précaution. « Nous avons passé les années 1990 à lutter contre les géants du tabac, et nous les voyons réapparaître aujourd’hui avec les e-cigarettes », a expliqué le conseiller municipal Shamann Walton. En décembre 2018, la maison mère de Marlboro, Altria Group, avait pris 35 % du capital de Juul, qui contrôle 75 % du marché.

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Marketing agressif en direction des adolescents

Alors que la consommation de tabac a considérablement diminué en vingt ans aux Etats-Unis, les responsables de la santé publique ont vu la mode du vapotage s’emparer des jeunes, séduits par la forme techno des produits de Juul et par les saveurs fruitées des recharges. Entre 2017 et 2018, selon les autorités sanitaires, le vaping a augmenté de 78 % chez les lycéens.

Sous la pression de la FDA, le fabriquant a accepté de cesser de vendre les recharges parfumées dans les magasins. Mais Juul – dont les produits contiennent une quantité de nicotine équivalente à un paquet entier de cigarettes par recharge – continue à faire face à une enquête du Congrès et des poursuites en Caroline du Sud et en Floride pour son marketing agressif en direction des adolescents.

Le porte-parole de la société, Ted Kwong, a estimé que la décision de San Francisco « ne réglerait pas le problème de la consommation des mineurs » mais pénaliserait les fumeurs adultes qui choisissent le vapotage plutôt que la consommation, plus nocive, de tabac.

Juul, qui vient d’acheter un immeuble de vingt-huit étages à San Francisco, finance déjà la contre-attaque : un référendum qui demandera, en novembre, aux électeurs de n’interdire la cigarette électronique qu’aux moins de 21 ans.