Mark Schneider, patron de Nestlé, le 12 avril 2018 à Lausanne. / FABRICE COFFRINI / AFP

Le Nutri-Score vient de gagner un allié. Et non des moindres puisqu’il s’agit de Nestlé, premier groupe agroalimentaire mondial. Le géant suisse a, en effet, annoncé mercredi 26 juin qu’il se ralliait à ce système d’étiquetage nutritionnel. S’il se dit prêt à le soutenir au niveau de l’Europe continentale, il limite toutefois son adoption concrète à la France, la Belgique et la Suisse, dans un premier temps. Et ne donne aucune précision sur le calendrier de déploiement dans ces trois pays.

Cette prise de position intervient après la déclaration du premier ministre, Edouard Philippe, qui, dans son discours de politique générale prononcé le 12 juin, avait affirmé sa volonté de rendre obligatoire le Nutri-Score au niveau européen. La décision de Nestlé est d’autant plus marquante que l’entreprise de Vevey en Suisse a longtemps freiné des quatre fers pour éviter la généralisation de cet étiquetage. Il n’hésitait pas à pourfendre cette évaluation des qualités nutritionnelles des produits industriels à l’aide d’une échelle de couleurs (du vert au rouge) et de lettres allant de A à E. Une manière simple pour le consommateur de comparer et de choisir biscuits, confiseries ou plats préparés… en fonction de leur teneur en gras, en sucre et en sel.

Nestlé avait même lancé en mars 2017 un étiquetage nutritionnel baptisé Evolved Nutrition Label (ENL) pour contrecarrer le Nutri-Score. Une initiative menée conjointement avec Coca-Cola, PepsiCo, Mondelez, Unilever et Mars, qualifiés de groupe des « Big 6 ». L’ENL voulait imposer un code couleur basé sur les teneurs en nutriment, gras, sucre et sel par « portion » et non pour 100 g, comme l’établit Nutri-Score. Sachant que chaque industriel définissait lui-même ce qu’il considérait comme la bonne portion à consommer.

Les associations de consommateurs et les autorités de santé ont dénoncé ce logo alternatif. En mars 2018, le groupe Mars décidait de se désolidariser des « Big 6 ». Fin novembre, Nestlé abandonnait à son tour l’ENL, tout en l’appliquant encore au Royaume-Uni et en Irlande. D’où sa précision sur sa volonté de soutenir son alternative en Europe continentale.

Décision en partie liée au choix des consommateurs

Il est vrai qu’entre-temps le Nutri-Score marquait des points. « Lorsque le Nutri-Score a été adopté en France par arrêté ministériel le 31 octobre 2017, pour un usage facultatif, six sociétés ont signé un engagement. Aujourd’hui, 116 marques l’ont adopté », explique le professeur Serge Hercberg qui préside le Programme national nutrition santé. Des sociétés comme Danone, Fleury Michon, Bonduelle, Marie, Joker… mais aussi des enseignes de distribution comme Auchan, Intermarché, Casino ou Leclerc, pour leurs produits à marque propre, ont accepté de jouer le jeu.

« Les entreprises ont deux ans pour mettre en application l’étiquetage après avoir signé leur engagement. Le Nutri-Score commence à avoir une vraie visibilité dans les magasins », souligne M. Hercberg avant de mettre en exergue un petit bémol : sa moindre présence dans certains rayons comme celui des céréales pour le petit déjeuner, des biscuits ou de la confiserie. Des industriels, comme PepsiCo, restent, il est vrai, farouchement opposés à sa présence. « Avec le Nutri-Score, on continue à infantiliser le consommateur », estime Bruno Thévenin, directeur général de PepsiCo, défenseur de l’ENL.

Pour sa part, Nestlé ne cache pas que sa conversion est en partie liée au choix des consommateurs. « Selon un récent sondage, 56 % des Français interrogés disent comprendre le Nutri-Score et être guidés dans leur choix d’achat par cette information nutritionnelle. C’est 12 points de plus qu’il y a un an. Les consommateurs veulent une transparence absolue », explique Pierre-Alexandre Teulié, directeur général des affaires publiques de Nestlé France. Le soutien explicite des autorités politiques en France, mais aussi en Belgique et en Suisse au Nutri-Score a également pesé dans la balance. D’autant plus quand un premier ministre évoque sa volonté de le rendre obligatoire.

Une cinquantaine de marques concernées en France

Autre élément ayant guidé ce choix : Nestlé a fait évoluer ses recettes pour réduire sucre, sel et gras. « L’important n’est pas d’avoir la couleur verte, le chocolat ou l’huile ne l’auront jamais par exemple, mais de décrocher la meilleure note au sein de sa catégorie. Le véritable enjeu est d’optimiser en permanence les recettes. Si le Nutri-Score nous permet d’améliorer nos produits, tant mieux », dit M. Teulié. Il faudra toutefois attendre l’automne pour connaître le calendrier de déploiement de cet étiquetage qui devrait concerner une cinquantaine de marques en France.

L’enjeu pour le Nutri-Score est maintenant de s’imposer à Bruxelles pour une application dans l’ensemble des Etats membres. Et de passer du statut volontaire à celui d’étiquetage obligatoire. Une initiative citoyenne européenne (ICE), lancée en mai par des associations de consommateurs, veut faire bouger les lignes en ce sens. Il lui faut réunir plus d’un million de signatures issues d’au moins sept pays pour faire pression sur la Commission européenne. La France défend donc cette position ainsi que la Belgique. L’Espagne et le Portugal y sont également favorables. Parmi les opposants clairement identifiés, l’Italie. Le lobbying de Ferrero est bien huilé. Pas question pour l’entreprise transalpine d’appliquer le Nutri-Score sur ses pots de Nutella.