Le nom de code de ce projet architectural, « Symbiose », vaut profession de foi. L’immeuble HLM ciblé, haut de quatre étages et datant des années 1970, est de facture banale. Son implantation géographique ne fait pas non plus rêver : le bâtiment est ­situé dans les quartiers nord de Nantes, secteur décrit en ces termes par l’Agence nationale pour la rénovation urbaine (ANRU) : « D’un patrimoine faiblement attractif, voire répulsif, malgré la diversité des typologies et la qualité des appartements, notamment en termes de surfaces ou de luminosité. »

Gestionnaire d’un parc de 17 000 logements, l’office public de Nantes Métropole Habitat entend redorer l’image du quartier et ambitionne d’offrir « une nouvelle silhouette urbaine » à cet ensemble de 24 appartements, en le coiffant d’une serre chauffante. Outre son caractère convivial offrant un jardin sur le toit, le dispositif entend utiliser l’énergie ­solaire canalisée par la serre pour réaliser des économies d’énergie susceptibles de diminuer les charges des locataires.

Infrastructures énergivores

Pour cela, la start-up Ecotropy, spécialisée dans l’utilisation de l’intelligence numérique pour améliorer la performance d’infrastructures énergivores, a imaginé la pose d’une pompe à chaleur fonctionnant sur un mode « inversé ». « Cette pompe va extraire les calories accumulées dans la serre, et cette énergie va être acheminée de manière que le réseau d’eau chaude sanitaire soit chauffé », détaille Alexandre Nassiopoulos, fondateur et directeur d’Ecotropy. Le toit de l’orangerie sera en polycarbonate, ses façades, en verre translucide afin de préserver une vision panoramique. Le choix du site, souligne Luc Stephan, ­directeur de l’innovation à Nantes Métropole Habitat, et pilote du programme, ne doit rien au hasard : « On voulait travailler sur un bâtiment existant, mixer programme énergétique, qualité architecturale et volet social en créant un nouvel espace partagé pour les résidents. » Le potentiel solaire de la zone est « intéressant. Aucun arbre ou tour ne menace de projeter d’ombre sur l’édifice ».

La serre, dont le coût est estimé à 300 K euros et qui disposera d’une surface utile de 300 m2, sera pilotée par un système d’intelligence ­artificielle « intégrant les prévisions météorologiques et les besoins thermiques du bâtiment », précise M. Nassiopoulos, ancien chercheur au Laboratoire central des ponts et chaussées. Le système veillera aussi à maintenir une température suffisante dans l’orangerie afin d’y orchestrer des activités d’agriculture urbaine ou de loisirs. En cas de forte chaleur, des ouvrants permettront de délester le trop-plein calorifique. Bon an mal an, Ecotropy espère assurer « 20 % des besoins de chauffage des locataires et de 50 % à 80 % des besoins en eau chaude sanitaire ».

L’immeuble Symbiose, qui porte la signature du groupement d’architectes Claas, doit amorcer la transformation générale d’un des principaux quartiers d’habitat social de Nantes, ­lequel va faire l’objet, d’ici à 2025, d’une vaste opération de requalification, menée avec le soutien de l’ANRU, touchant 1 112 logements.

Outre une isolation thermique par l’extérieur, la serre du projet Symbiose contribuera également « à éliminer les pertes de chauffage de la toiture », relève M. Stephan. Pour l’heure, les occupants du bâtiment se montrent dubitatifs, et se déclarent plus préoccupés « par les questions d’insécurité qui peuvent plomber la vie du quartier ou la difficulté à trouver un ­emploi », note une voix en coulisse. L’impact des travaux inquiète aussi. La mise en place d’un ascenseur, afin de desservir de façon autonome la serre, se révèle complexe du fait de la présence d’amiante. « On n’a pas encore repéré d’habitant qui puisse être relais du projet, même si on a recueilli des avis favorables », convient Cindy Blandin, responsable de secteur pour Nantes Métropole Habitat.

La gestion du futur « jardin d’hiver » pourrait être confiée à une association, et l’espace ouvert à d’autres riverains. « Si on réussit le pari, on pourrait dupliquer l’opération, il y a d’autres immeubles dans le secteur qui pourraient ­accueillir une serre », reprend M. Stephan. Le chantier devrait être lancé en février 2020.