Hugo Simon et Leeroyd Levi, cogérants d’Olvo, lauréats du prix de l’innovation urbaine 2019 dans la catégorie « mobilité » / Soazig Le Nevé

L’élégance de la silhouette allongée des vélos cargos a inspiré à Leeroyd Levi ce nom : Olvo. En lettres capitales, les deux O des roues enveloppent avec rondeur la mécanique ingénieuse du biporteur, capable de tracter jusqu’à 100 kg partout à Paris. Sillonner, arpenter, crapahuter, mais livrer le premier : depuis 2016, Olvo s’y ­engage, en particulier dans les ­arrondissements congestionnés du centre de la capitale où les véhicules polluent à plein. « Avec nos 50 centimètres de large, on passe partout et on n’est jamais en retard. Et les dix cartons de bières pour un restaurant, on les livre en excluant le créneau de midi, ce que ne peut garantir un livreur en camionnette », vante Leeroyd Levi, 27 ans, fondateur de la coopérative de coursiers à vélo qui remporte le prix de l’innovation urbaine 2019 dans la catégorie « mobilité ».

En ce mardi de juin, 370 livraisons ont été effectuées, majoritairement dans les 8e et 9arrondissements qui regorgent de ­bureaux. Sur l’écran de contrôle, un plan de Paris constellé de centaines de points de livraison, dont le pictogramme évolue en fonction de l’avancement des ­vélos cargos. « En quatre heures, on livre l’équivalent d’un camion dans 500 points du tout-Paris, explique Leeroyd Levi. Quand un coursier part de notre entrepôt, il a chargé une dizaine de colis pour une tournée de dix à quinze kilomètres au maximum. »

Fruits, fleurs, vin, café en grains, bières, plats cuisinés : Olvo a noué une quarantaine de contrats avec des fournisseurs pour qui la livraison à vélo relève d’un engagement éthique. Ainsi des Marmites volantes ou de Mam’Ayoka, qui mitonnent des petits plats en promouvant écologie et insertion des femmes. Olvo pratique aussi le « stockage tampon » avant livraison (bières, matelas…) et le retour de matériaux consignés.

100 kg de marchandises

La flotte d’une vingtaine de vélos cargos de couleur noire, aux deux tiers électriques, affiche la marque française Douze, installée près de Beaune, en Bourgogne. « On n’est pas Tesla mais on innove quand même, nous aussi ! », ironise Hugo Simon, 29 ans, cogérant de la coopérative, en montrant la dernière trouvaille de son ami Leeroyd : des caissons légers et solides, fabriqués avec une imprimante 3D à partir de plaques de plastique utilisées pour indiquer la nature des travaux à l’entrée des chantiers.

Surmonté d’une bâche étanche et adaptable, un caisson peut recevoir jusqu’à 100 kg de marchandises. « Un avantage comparatif par rapport aux sacs à dos des livreurs Deliveroo, trop petits pour leur permettre de répondre en une seule course à une commande de 15 plats lors d’un séminaire de travail. Nous, avec un seul vélo, on honore la livraison »,relève Hugo Simon.

Pour s’écarter du modèle des plates-formes ubérisées et pérenniser le métier de coursier, Leeroyd et Hugo ont l’ambition de construire « un modèle social différent ». ­Contrairement aux règles prévalant chez les géants comme Uber Eats, les livreurs d’Olvo n’ont pas à entretenir et à stocker leur vélo, aucune tenue réglementaire n’est imposée et leur planning de livraison est annoncé à l’avance. « Nous voulions passer un cran au-dessus en proposant le salariat à nos coursiers, car avoir une protection sociale est amplement mérité », relate Hugo Simon. Désormais, 80 % des heures passées à rouler sont effectuées par des salariés, une marge de 20 % servant à répondre aux pics des demandes. Sur 18 livreurs, 11 ont choisi de devenir sociétaires d’Olvo, comme le permettent les statuts d’une coopérative. « Souvent, les SCOP sont associées à une reprise d’entreprise en difficulté ou bien à une revente aux salariés. Dans notre cas, c’est un choix militant de créer un bien commun dans une entreprise de livraison à vélo », affirme fermement Leeroyd Levi.

Formé à l’Ecole européenne des métiers de l’Internet (EEMI) pour devenir développeur informatique, le jeune homme se félicite d’être parvenu à allier sa passion du vélo à ses ambitions entrepreneuriales. « Pendant que mes potes de l’EEMI se flattent d’avoir levé des fonds pour leur start-up ici ou là, moi je préfère saluer notre passage en SCOP », ajoute celui dont la plus grande fierté reste de s’être frayé un chemin « à la simple sueur de ses mollets », à partir d’une mise personnelle de 1 700 euros et « sans avoir eu à “pitcher” devant aucune banque ».