Le sélectionneur des Lions de la Teranga, Aliou Cissé, lors de la rencontre entre le Sénégal et la Tanzanie, le 23 juin 2019 au Caire. / KHALED DESOUKI / AFP

Aliou Cissé, 43 ans, accorde peu d’interviews. Mais quand il le fait, ses réponses sont détaillées. L’ancien capitaine des Lions de la Teranga, qui avait succédé à Alain Giresse en février 2015, a qualifié son équipe pour la CAN 2019, un peu plus d’un an après l’avoir emmenée en Russie pour la Coupe du monde. Le Sénégal, dont l’effectif regorge de talents (Koulibaly, Gueye, Mané, Sarr…) et qui s’est imposé contre la Tanzanie dimanche 23 juin, est décrit comme un favori. Son sélectionneur préfère toutefois employer le terme de challenger.

Dans le groupe C, deux équipes semblent au-dessus du lot : la vôtre et l’Algérie…

Moi, je veux insister sur le fait qu’il n’y a plus de petites équipes en Afrique. Si le Kenya et la Tanzanie sont là, c’est qu’ils le méritent. Ce sont des sélections qui ont beaucoup progressé ces dernières années. L‘Algérie et le Sénégal ont beau être perçus comme les favoris du groupe, il faut s’attendre à des matchs compliqués, disputés. L’Algérie est à mes yeux une équipe qui peut prétendre au titre, car elle dispose de très fortes individualités, dont Mahrez, Feghouli ou Brahimi.

Pour beaucoup, le Sénégal est un favori. Pourtant, qu’il s’agisse de vous ou des joueurs, tous les discours sont empreints d’une certaine prudence…

Entendre dire que le Sénégal est un des favoris, cela fait évidemment plaisir. Cela prouve que nous faisons du bon travail. Nous sommes la première équipe africaine au classement FIFA, cela signifie forcément quelque chose. Mais il ne faut pas prendre ce seul paramètre en compte pour faire de nous le favori. Je considère que les favoris sont surtout ceux qui ont déjà remporté la CAN, ce qui n’est pas notre cas. Le grand favori, c’est l’Egypte, qui jouera chez elle où elle a déjà remporté trois CAN [1959, 1986 et 2006]. Le Maroc, le Nigeria, le Cameroun et la Côte d’Ivoire sont aussi des favoris. Moi, je considère que nous sommes des challengers. Le Sénégal n’a encore jamais rien gagné. Pour espérer le faire, il y a sept matchs à disputer. Une CAN, c’est long, cela demande beaucoup de rigueur, de concentration. Je pense que nous continuons à progresser et que nous aurons un vrai rôle à jouer lors de cette CAN.

Le fait d’avoir trouvé avec Edouard Mendy, qui joue à Reims, un gardien de très bon niveau, est-il un atout supplémentaire ?

Bien sûr. C’est important. Il n’y a pas de grande équipe sans grand gardien. Nous avons de bons spécialistes, comme Abdoulaye Diallo, qui a hélas peu joué à Rennes, et Alfred Gomis [SPAL, Italie]. Mais Mendy est un des meilleurs actuellement en Europe. Il a fait une très bonne saison, c’est un super gardien, et l’avoir nous permet de défendre encore mieux. Nous sommes conscients des qualités de nos joueurs, dans toutes les lignes, dont Sadio Mané qui reste sur une très grande saison avec Liverpool.

Pourtant, certains observateurs comparent ses bonnes performances en club et celles moins importantes en sélection. Estimez-vous ce débat injuste ?

Comparaison n’est pas raison ! Ce n’est pas propre à Sadio. Souvenez-vous qu’en leur temps, Didier Drogba ou Samuel Eto’o ont également eu à affronter ce type de critiques. Il ne faut pas comparer le club et la sélection. Je veux tout de même rappeler que Sadio a toujours été décisif dans les moments importants depuis que je suis sélectionneur. C’est un joueur essentiel. Il ne peut évidemment pas tout faire. C’est pour cela que j’attends aussi des autres joueurs qu’ils assistent Mané.

Cela fait plus de quatre ans que vous êtes en poste. Cette stabilité technique explique-t-elle les bons résultats des Lions ?

J’ai la chance d’avoir, avec Augustin Senghor, un président de fédération qui me fait confiance. Pour reconstruire une équipe et la rendre compétitive, progresser et avoir des résultats, il faut du temps, de la patience. On me laisse travailler et c’est essentiel. On a réussi à se qualifier pour les CAN 2017 et 2019, la Coupe du monde 2018, et il faut continuer à le faire. Sans stabilité technique, il est très difficile d’avoir des résultats. Prenez la France avec Didier Deschamps, en poste depuis 2012, ou l’Allemagne avec Joachim Löw, nommé en 2006. Ce sont de très bons exemples.

On compare souvent la génération de 2002 à laquelle vous avez appartenu à l’actuelle…

L’actuelle a sa propre histoire à écrire. Mais il n’est pas anormal qu’on évoque la génération de 2002, qui a atteint la finale de la CAN puis les quarts de finale de la Coupe du monde. Cette génération a donné de la visibilité au foot sénégalais, elle a marqué l’histoire. Les joueurs d’aujourd’hui ont beaucoup de respect pour leurs aînés, mais j’espère qu’ils feront mieux que nous…

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