Pas encore« l’accélération écologique » promise par le premier ministre Edouard Philippe, mais tout de même, « en germe, de vraies avancées ». C’est en ces termes qu’ONG, spécialistes en droit de l’environnement et éco-organismes ont accueilli le projet de loi « relatif à la lutte contre le gaspillage et à l’économie circulaire » qui sera présenté au ­conseil des ministres le 3 juillet. Sa finalité : rompre avec le modèle de l’économie linéaire – extraire, ­fabriquer, consommer et jeter.

Pour ce faire, l’exécutif entend renforcer un levier-clé, la « responsabilité élargie du producteur », à savoir l’obligation de financer par avance la gestion des déchets issus des produits mis sur le marché. Déjà en vigueur pour 17 familles de produits, ce principe est étendu aux articles de sports et de loisirs, de bricolage et de jardinage, aux jouets, aux « produits du tabac équipés de filtres composés en tout ou partie de plastique », ainsi qu’aux véhicules hors d’usage, aux lingettes jetables et aux matériaux de construction du BTP. L’obligation de payer cette écocontribution lorsque le producteur ne le fait pas sera aussi étendue aux sites de commerce en ligne.

Système de bonus-malus

Ces contributions financières versées par les producteurs aux éco-organismes pourront être modulées, grâce à un système de bonus-malus, en fonction de critères de performance environnementale (intégration de matières recyclées, réparation, durabilité, recyclabilité…). Ces modulations pourront aller « jusqu’à 20 % du prix de vente hors taxe » du produit. La mise sur le marché de certains produits pourra aussi être subordonnée à un taux minimal d’incorporation de matières recyclées.

« Ces intentions sont prometteuses,juge Laura Châtel, de Zero Waste, mais beaucoup d’incertitudes ­demeurent sur la mise en œuvre de ces mesures, qui dépendront d’ordonnances ou de décrets d’application, et avant cela du rapport de force entre l’Etat et les entreprises. » Les ONG signalent aussi quelques dispositions floues, notamment celle sur l’« interdiction de l’élimination des invendus » non alimentaires, qui n’oblige pas concrètement au réemploi de ces objets.

« Ni véritable stratégie de sortie du plastique »

L’association de collectivités locales Amorce ­s’inquiète, elle, du système de consigne qui pourrait être imposé aux producteurs ou à leur éco-organisme pour accroître la collecte de certains produits, dont les bouteilles en plastique. Les collectivités craignent d’être ainsi privées de la matière recyclable la plus rentable, ce qui fragiliserait l’équilibre de leurs centres de tri.

Les acteurs du secteur déplorent surtout un grand absent du texte : aucun objectif de réduction de la consommation de plastique ne figure dans le projet de loi, alors même que l’Union européenne vient d’adopter une directive sur le plastique à usage unique. Pour l’avocat en droit de l’environnement Emile Meunier,« ce texte ne contient ni véritable stratégie de sortie du plastique ni mesures permettant la création d’une véritable filière de la réparation ».