Volets baissés, petit jardin et terrasses désertés : l’Ehpad Bévière, en plein cœur de Grenoble, s’est retranché loin de la touffeur extérieure. Ici, la canicule cogne fort, 38 °C mercredi, 39 °C jeudi. Comme dans une grande partie du pays, le « plan bleu canicule » a été activé par l’Agence régionale de santé dans les Ehpad de la ville. Il s’agit notamment d’informer les résidents, les familles et les salariés, de distribuer de l’eau et de modifier les menus, ainsi que de mettre en route la climatisation.

« Cette canicule au mois de juin tombe assez bien, estime Brigitte Berthier, infirmière au sein de l’Ehpad Bévière depuis six ans. Ce n’est pas encore les vacances, le personnel est au complet et nous avons des stagiaires pour nous épauler. » Car ces périodes de fortes chaleurs nécessitent une vigilance accrue de tous les salariés. Il faut non seulement rafraîchir les personnes âgées à l’aide de brumisateurs, les hydrater tout au long de la journée ou veiller à ce que les volets soient baissés, mais il faut surtout prendre le temps de discuter avec elles, afin de détecter une éventuelle confusion, signe de déshydratation.

Pas de moyens humains supplémentaires

« Nous travaillons déjà à flux tendu, donc quand la surveillance doit être accrue, nous faisons comme nous pouvons. Et l’été, nous sommes un peu démunis », regrette Brigitte Berthier. Une difficulté que confirme le directeur de l’établissement, Pascal Frêne :

« Nous sommes un Ehpad privé à but non lucratif, donc nous dépendons des dotations de l’agence régionale de santé et du conseil départemental. Or aucune dotation supplémentaire n’est prévue pour le plan canicule, qui grève notre budget. Nous n’avons aucun moyen humain supplémentaire. »

En cette fin d’année scolaire, l’établissement peut encore compter sur l’aide de deux toutes jeunes femmes : Laurie et Estelle, 17 ans, en bac professionnel Accompagnement, soins et service à la personne. Deux fois par jour, elles parcourent les étages pour proposer à boire aux 87 résidents. Si certains sont autonomes, d’autres nécessitent plus d’attention, comme ce monsieur qui tremble trop pour pouvoir boire seul, ou cette dame qu’il faut convaincre de s’hydrater. Laurie et Estelle prennent le temps, écoutent et rient. Ces tournées leur prennent entre trois et quatre heures par jour, un temps que n’ont pas toujours les aides-soignants.

Les résidents semblent pour le moment assez sereins. « On fait avec, c’est supportable, assure Madeleine. Je m’oblige à boire, car je n’ai jamais soif. » Bernard, 83 ans, est du même avis : « Ça me dérange peu. Je sors un peu quand même, parce que je tiens à mon indépendance. » D’autres, plus fragiles, se plaignent de difficultés à dormir.

Pas de climatisation dans les chambres

Les proches sont encouragés à rapprocher les visites mais ne le font guère, selon Pascal Frêne. Lauriane, elle, prend la peine de venir au moins tous les deux jours pour apporter à sa grand-mère de 93 ans des bouteilles d’eau. Elle lui a aussi installé un petit climatiseur. « Pour l’instant ça va, estime-t-elle. Mais l’été dernier, c’était plus compliqué, j’étais inquiète. »

Car ces périodes de chaleur sont désormais récurrentes. « Elles sont de plus en plus fortes et longues, affirme Pascal Frêne. Il faut s’y préparer. » Notamment dès la conception des établissements. A l’Ehpad Brévière, personnel et directeur regrettent que ce bâtiment, qui date seulement de 2012, n’ait pas de climatisation dans les chambres – dont certaines sont exposées plein sud – mais seulement dans les parties communes.

Malgré tout, l’Ehpad Bévière de Grenoble est plutôt bien loti, avec des locaux de bonne qualité et 54 postes équivalent temps plein. Il bénéficie également d’une certaine stabilité du personnel, qui connaît bien les résidents et ne manque pas d’imagination. A l’image de Samia, aide-soignante depuis une dizaine d’années, pour qui les canicules en série sont simplement des aléas auxquels il faut s’adapter. Elle a trouvé la parade : elle les combat à coup de smoothies et de sorties au lac.