Le défi proposé aux Bleues face aux triples championnes du monde semble immense, presque injuste tant il semble prématuré dès les quarts de finale. Mais quels sentiments l’équipe de France inspire-t-elle à un football américain dominateur, dont la sélection n’a jamais été éliminée avant les demi-finales d’une Coupe du monde et a battu les Françaises à 17 reprises en 25 matchs internationaux ?

Mi-avril, lors d’un voyage au cœur du soccer, en Californie et en Caroline du Nord, alors que les Américaines restaient sur une série contrastée de matchs amicaux, notamment une défaite en début d’année au Havre (3-1), la cinquième seulement de l’histoire face à la France, on sentait poindre chez nos interlocuteurs du respect, et même parfois une légère inquiétude.

Sur le campus californien de Santa Clara, où évolue l’une des meilleures équipes universitaires du pays, le coach Jerry Smith, personnage incontournable du soccer américain, ne tarissait pas d’éloges : « Ce que la France a fait ces dix dernières années dans le développement de la pratique féminine, c’est fantastique. Nous sommes jaloux des progrès réalisés. Avant, nous étions largement devant, maintenant, on a le sentiment que la France nous a peut-être dépassés. Elles font trop de choses de la bonne manière pour ne pas gagner un titre bientôt. »

« Travail de longue haleine »

Une anecdote rapportée par l’une de ses joueuses, Kelsey Hedge, internationale des moins de 20 ans, l’a particulièrement marqué. Lors d’un stage en Espagne, les jeunes Américaines affrontent leurs homologues françaises et sont surclassées. « Elles ont perdu 3-1, mais Kelsey m’a dit que le score aurait pu être de 8-0 tant elles avaient été meilleures qu’elles. Il y a dix ans, ç’aurait été impossible, ce sont les Etats-Unis qui auraient gagné 8-0… », livre coach Smith.

Pionnière légendaire du soccer américain, Brandi Chastain, qui entraîne des jeunes joueuses et assiste également Jerry Smith, son époux, auprès des étudiantes de Santa Clara, avance une explication : « Toutes ces joueuses françaises, qui sont en âge de jouer la Coupe du monde, ont bénéficié d’un travail de longue haleine, analyse la double championne, du monde et olympique. Elles ont grandi en étant en contact avec le football dans leur pays, les succès chez les hommes et l’excellence de la formation. »

A près de 4 500 kilomètres de là, sur la Côte est, à l’issue d’un entraînement avec son club de North Carolina Courage, l’internationale Crystal Dunn se confiait sur son possible adversaire des quarts de finale. « La France est une superbe nation de football. Les hommes ont été finalistes du dernier Euro et ont gagné la Coupe du monde. J’admire aussi les joueuses françaises. Elles sont précises techniquement et elles progressent sans cesse », explique celle qui devrait jouer latérale gauche, vendredi 28 juin, au Parc des Princes.

Ultraconfiantes et fortes d’une mentalité de gagnantes, les footballeuses américaines partiront encore une fois avec la faveur des pronostics, d’autant que les Bleues ont pour le moment été poussives dans le jeu. Mais elles savent que l’opposition sera au rendez-vous, à l’image de la star Megan Rapinoe. « La France est une très bonne équipe, très douée en attaque. On ne devra pas les regarder jouer », a déclaré l’ex-joueuse de Lyon après le huitième de finale face à l’Espagne.

Grâce à son sens de la formule, la personnalité la plus charismatique de l’équipe américaine résume l’attente suscitée par l’affiche la plus excitante de cette Coupe du monde : « J’espère que ça va être énorme et fou, juste un cirque médiatique absolu. C’est le meilleur match possible, celui que tout le monde voulait, le genre de gros match dont vous rêvez enfant. » Quel que soit le résultat, le respect des meilleures est déjà un pari gagné pour les Bleues.