Les footballeurs égyptiens Mohamed Salah (au centre) et Amr Warda (en bleu à droite) lors d’un entraînement au Caire, le 19 juin 2019. / KHALED DESOUKI / AFP

Amr Warda a-t-il droit à une seconde chance ? C’est ce qu’a plaidé l’attaquant vedette de l’équipe de football égyptienne, Mohamed Salah, après la suspension de son coéquipier, mercredi 26 juin, avant le match de Coupe d’Afrique des nations (CAN) contre la République démocratique du Congo (RDC), à la suite d’accusations de harcèlement sexuel. « Les femmes doivent être traitées avec le plus grand respect. Non, c’est non. Ces choses sont et restent sacrées. Je crois aussi que nombreux sont ceux qui commettent des erreurs et peuvent changer pour le meilleur et ne doivent pas être envoyés directement à la guillotine », a tweeté Mo Salah peu après le match. « On doit croire à la seconde chance… Nous devons guider et éduquer. Bannir n’est pas la réponse », a-t-il ajouté.

La prise de position de la star de Liverpool va-t-elle pousser la fédération à un revirement sur le cas Warda ? Adulé par l’ensemble des Egyptiens tant il incarne dans le pays un modèle par son génie sportif, sa détermination, sa simplicité et ses engagements sociétaux, notamment en faveur des femmes, Mo Salah n’a cette fois-ci pas fait l’unanimité sur la Toile. Son message a outré de nombreux Egyptiens et Egyptiennes qui estiment que le harcèlement sexuel est un véritable fléau dans leur pays. L’Egypte est considérée comme l’un des pays les plus touchés par le phénomène. Une étude des Nations unies réalisée en 2013 estimait que 99 % des Egyptiennes ont été victimes de harcèlement sexuel. En 2017, un sondage réalisé par la fondation Thomson Reuters avait conclu que Le Caire est la mégalopole la plus dangereuse au monde pour les femmes.

« Mo a déçu les victimes de harcèlement à travers le monde. Il semble que le soutien entre potes soit plus important pour Mo que la sécurité des femmes et des filles. Question de priorités », a répondu une internaute, Rima, dans un tweet. « Comment ça, Mo ? Tu es une idole et un modèle pour nous tous, grands, petits ou hommes, et justifier un tel acte outrancier est absolument scandaleux ! », a tweeté un Egyptien sous le pseudonyme de RaMo. Certains pointent une contradiction avec les précédents engagements du footballeur. « Quand Salah est entré dans le top 100 du magazine Time, il a dit : “Je pense que nous devons changer la façon dont on traite les femmes dans notre culture. Ce n’est pas optionnel” », rappelle ainsi, dans un tweet, la journaliste égyptienne Amira Howeidy.

Un habitué des faits

La prise de position du joueur est d’autant plus critiquée qu’Amr Warda est perçu comme un habitué des faits. La décision de l’exclure a été prise quelques heures après la publication d’une vidéo sur Twitter où on le verrait s’exhiber devant une femme. La mannequin britannique Merhan Keller, qui aurait été la première à témoigner qu’Amr Warda lui avait envoyé des messages agressifs et inappropriés, a également partagé sur les réseaux sociaux des témoignages d’autres femmes qui auraient reçu des messages de la même teneur. En 2017, le club portugais CD Feirense avait par ailleurs résilié le contrat d’Amr Warda en raison d’accusations de harcèlement sexuel sur deux épouses de coéquipiers.

Amr Warda, qui a passé la deuxième partie de la saison écoulée à l’Atromitos FC (prêté par un autre club grec, le PAOK Salonique), a publié des excuses dans une vidéo sur Facebook. « Je m’excuse pour ce que j’ai fait, je m’excuse auprès de ma famille, des joueurs et de l’encadrement. Je suis désolé, je promets que dans la période à venir, je ne ferai rien pour déranger les autres », a assuré l’ailier de 25 ans.

La polémique ne devrait pas avoir de véritables répercussions sur la ferveur populaire qui entoure l’équipe des Pharaons, déjà qualifiée pour les huitièmes de finale de la CAN. Beaucoup de ses supporteurs ont soutenu la prise de position de Mohamed Salah sur Twitter, estimant qu’il avait donné un avis équilibré sur le sujet, entre appel au respect des femmes et à une sentence proportionnée. Une minorité menaçait toutefois de boycotter les matchs si Amr Warda rejouait. « L’équipe égyptienne joue pour la CAN en mon nom et au nom de chaque Egyptien. J’annonce mon boycott du championnat et de l’équipe si Amr Warda revient jouer en son sein », avertit une certaine Asmaa Mousa sur Twitter.

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