Manifestation contre la dégradation des océans et le changement climatique, à Paris, le 8 juin. / Francois Mori / AP

Editorial du « Monde ». Malgré l’urgence, la France n’est pas sur la bonne voie pour réduire ses émissions de gaz à effet de serre et elle ne s’en donne pas les moyens. Ce constat, déjà dressé par les associations engagées dans une épreuve de force juridique avec l’Etat – « L’affaire du siècle » – et par divers think tanks, émane cette fois d’une instance d’experts mise en place par Emmanuel Macron lui-même : le Haut Conseil pour le climat, lancé par le président en novembre 2018, en pleine crise des « gilets jaunes ».

Dans son premier rapport, remis, mardi 25 juin, au premier ministre, l’autorité indépendante a clairement averti le gouvernement : « Tant que l’action en réponse au changement climatique restera à la périphérie des politiques publiques, la France n’aura aucune chance d’atteindre la neutralité carbone en 2050. » Cette neutralité carbone, qui consiste à ne pas émettre plus de gaz à effet de serre que les forêts ou les sols ne peuvent en absorber, a été inscrite par les députés dans la loi énergie-climat actuellement débattue à l’Assemblée nationale.

Le cap est ambitieux, mais l’on s’écarte chaque année davantage de la trajectoire. Certes, les émissions de gaz à effet de serre françaises ont diminué de 19 % entre 1990 et 2018. Mais, depuis 2015, les rejets sont repartis à la hausse – à l’exception de l’année 2018, qui enregistre une baisse de 4,2 %, due à des facteurs plus conjoncturels (un hiver doux) que structurels. Ainsi, les efforts sont près de deux fois moindres que prévu dans l’outil de pilotage de la politique climatique, alors qu’il faudra bientôt les tripler.

Montrer que le message a été entendu

L’Etat a pris des mesures, mais la mise en œuvre ne suit pas. Le rythme et la qualité de la rénovation des logements, le secteur le plus émetteur, sont insuffisants. Les alternatives à l’automobile manquent et l’électrification des transports reste balbutiante. Les subventions aux énergies fossiles ont plus que doublé en dix ans. Surtout, les nouvelles lois et les grands projets ne sont quasiment pas évalués à l’aune de leur impact sur les émissions de gaz à effet de serre.

C’est en réalité une réforme profonde des politiques publiques et de l’économie qu’il faut engager, afin de les mettre réellement en cohérence avec les objectifs climatiques. L’instauration d’un prix du carbone reste nécessaire pour encourager les ménages et les entreprises à investir dans des activités peu émettrices, mais ce prix doit s’avérer juste et équitable pour ne pas être perçu comme punitif.

Le premier ministre, Edouard Philippe, a promis de répondre rapidement au Haut Conseil. Il devra montrer aux citoyens, et particulièrement aux jeunes qui se mobilisent pour le climat, ainsi qu’aux scientifiques qui alertent tous les jours sur la catastrophe en cours, que le message a été entendu.

Politiquement, l’écologie vit un moment charnière. La prise de conscience du dérèglement climatique dans l’opinion publique a considérablement augmenté, mais elle ne s’est pas traduite par l’action politique correspondante. Les élections au Parlement européen, fin mai, qui ont placé le thème de l’écologie au premier plan et renforcé le vote Vert dans plusieurs pays de l’Union, notamment en France, peuvent fournir l’impulsion nécessaire.

Une partie croissante de la société est mûre pour la transition écologique, comme le montre le succès de l’agriculture biologique. Aux politiques, maintenant, de sauter le pas, avec détermination, en prenant les mesures qui s’imposent et en maintenant la pression sur les pays réfractaires.