Laurent Ballesta (en bas) et ses trois compagnons, Antonin Guilbert (en haut), Thibault Rauby (à droite), Yannick Gentil à bord de leur caisson de plongée. / BORIS HORVAT / AFP

C’est parti pour la mission Gombessa V. Le photographe sous-marin Laurent Ballesta et ses trois compagnons, Antonin Guilbert, Thibault Rauby, Yannick Gentil, ont commencé, lundi 1er juillet, une expédition pendant laquelle ils vont sillonner la mer Méditerranée, entre Marseille et Monaco et observer les poissons sans jamais se soucier de la décompression.

L’expédition va explorer 4 zones : de Marseille à Bandol, de Carqueiranne à Saint-Tropez, de Sainte-Maxime à Antibes, puis d’Antibes à Monaco. « Le but est [de] montrer qu’il y a une Méditerranée encore très belle, des sortes de paradis perdus, d’oasis secrètes quand on a dépassé une certaine profondeur. Il y a encore des animaux à décrire et à illustrer pour la première fois », explique Laurent Ballesta.

Une station permettant de rester à 120 m de profondeur

La mission Gombessa V - Planète Méditerranée, est une première du genre : « Pendant vingt-huit jours, on va pouvoir à notre guise rester à 120 mètres de profondeur et explorer cette zone aussi longtemps qu’on le voudra ou le pourra. On n’a plus cette angoisse de se dire qu’à chaque minute passée à 120 mètres de fond, c’est des heures à la remontée. Si tu restes trois heures à 120 mètres, il te faut une journée pour remonter. C’est trop cher payé », explique Ballesta, qui a eu l’idée d’utiliser un caisson pressurisé de l’INPP (Institut national de plongée professionnelle) utilisé par l’industrie pétrolière.

Depuis une barge, chaque jour, une cloche en acier d’un mètre carré à la pression des 120 m (soit 13 fois la pression atmosphérique) descendra dans la zone mésophotique (dite zone crépusculaire avec 1 % de lumière du soleil). Après chaque sortie réalisée sans se soucier du temps qui passe, les plongeurs retourneront dans la cloche qui sera remontée à la surface pour être connectée à un petit caisson de deux mètres carrés faisant office de sanitaires (douche et W.-C.). Un troisième caisson de 5 mètres carrés sert d’espace de vie avec 4 bannettes, une petite table et un sas pour faire entrer la nourriture.

« A partir de cartes biologiques des fonds marins, on imagine des itinéraires, c’est un trek sous-marin », détaille Ballesta, qui entend mener à bien plusieurs missions sous l’eau, entre photographies, recueil de données scientifiques, étude physiologique et exploration archéologique avec l’épave du sous-marin Protée, coulé en 1943.

Vivre dans un espace confiné

En revanche, la vie à quatre dans un espace confiné et pressurisé sera une tout autre aventure ! L’atmosphère sera remplie d’hélium, ce qui veut dire que les voix seront déformées au point de ne plus se comprendre. L’audition sera altérée. « Autre inconvénient, c’est le confort thermique. L’hélium est un gaz non isolant. A 28 degrés on va suffoquer, à 27,5 °C, on va grelotter », relève Ballesta.

La nourriture n’a pas de saveur et, l’atmosphère étant saturée d’humidité, les occupants de la capsule sont exposés aux infections. « Le froid, la pression, la densité du gaz qu’on respire : tout ça fait partie de nos craintes. On s’épuise très vite sous l’eau, on déplace un objet et on s’essouffle. Et on va déplacer beaucoup de gros matériel », remarque Antonin Guilbert, pour qui la « plus belle histoire sera déjà humaine ».

Cette aventure singulière, qui mobilise une équipe de 25 personnes pour un coût de 2,6 millions d’euros, ne peut légalement durer plus de vingt-huit jours. Les quatre hommes quitteront leur « caisson-maison » après quatre jours de décompression (il faut cent heures de palier pour une plongée à 100 m).

L’exploration sera alors racontée dans un premier film de quatre-vingt-dix minutes produit et diffusé sur Arte.