Kim Jong-un et Donald Trump lors de leur rencontre au village de  Panmunjom (le seul point de contact de la zone démilitarisée entre les deux Corées), le 30 juin 2019. / Susan Walsh / AP

Editorial du « Monde ». Le théâtre est un des instruments de la diplomatie. Mettant à profit la diffusion immédiate et universelle des images qui est la règle aujourd’hui, Donald Trump en pousse l’exploitation à l’extrême. Sa tournée asiatique, depuis le sommet du G20 à Osaka les 28 et 29 juin jusqu’à ses quelques pas historiques en territoire nord-coréen au côté de Kim Jong-un, dimanche 30 juin, a offert une nouvelle il­lustration de l’immense talent du président américain pour le spectacle.

M. Trump ne s’est pas contenté de pousser sur le devant de la scène sa fille Ivanka, qui n’a d’autre qualification que sa filiation pour justifier son titre de conseillère à la Maison Blanche. Gendre du président et lui aussi conseiller, Jared Kushner, qui vient de produire un « plan de prospérité » israélo-palestinien d’une affligeante indigence politique, faisait également partie de la délégation.

La présence d’Ivanka Trump aux entretiens bilatéraux du président avec ses homologues russe et chinois et son ubiquité parmi les dirigeants du G20 pourraient faire sourire si elle n’était que la fille d’un dictateur de république bananière. C’est pourtant Ivanka et Jared Kushner qui accompagnaient le président dans la zone démilitarisée entre les deux Corées tandis que son conseiller à la sécurité nationale, John Bolton, était expédié en Mongolie.

Complicité factice

Le chef de l’exécutif américain a, en outre, voulu présenter sa troisième rencontre au sommet avec le leader nord-coréen comme un rendez-vous impromptu, une audace spontanée dans laquelle il aurait pris l’énorme risque d’essuyer un refus après l’échec de la rencontre d’Hanoï, en février.

Théâtre, là encore : tous les experts savent que la spontanéité n’est pas le trait le plus en vogue à Pyongyang ; la logistique de ce genre de rencontre ne permet guère l’improvisation, et la rumeur d’un tel coup ­diplomatico-médiatique courait dans les chancelleries à Séoul depuis quelque temps.

Il fallait encore à Donald Trump, qui vient de lancer sa campagne pour un deuxième mandat à la Maison Blanche, envoyer à son électorat quelques signaux positifs sur ses relations avec les autres leaders de grandes puissances, au moment où les effets négatifs de la guerre commerciale sino-américaine sur l’économie mondiale se font sentir.

Le président américain a donc mis en scène une complicité factice avec Vladimir Poutine, au mépris de tout ce que l’on sait sur les manipulations russes des médias et des élections, et prétendu qu’il allait augmenter les échanges commerciaux avec la Russie – pays qui exporte essentiellement du gaz, du pétrole et des armes dont les Etats-Unis regorgent.

Donald Trump a enfin, triomphalement, rétabli le dialogue avec Xi Jinping. Il faut s’en féliciter, comme il faut se féliciter qu’il apaise les tensions avec la Corée du Nord et avec la Russie. Mais quelles sont les réelles avancées derrière cette gesticulation permanente ? Avec la Chine, le président américain est essentiellement revenu au statu quo ante, faisant même quelques concessions à Pékin, notamment sur Huawei.

Avec Kim Jong-un, « des choses peuvent se produire », a jugé M. Trump après leur rencontre. Il est difficile de le contredire sur ce point. Il reste cependant de ce week-end la très dérangeante impression d’un président américain beaucoup plus empressé auprès des dictateurs et autocrates de tout bord – le dirigeant saoudien Mohammed Ben Salman ayant eu droit à un traitement de faveur – que soucieux de s’entendre avec ses alliés traditionnels.