Un coup de canon, des applaudissements debout de l’ex-gloire David Beckham et une sentence qui claque. Jeudi 27 juin au Havre (Seine-Maritime), le troisième but des Anglaises, inscrit par Lucy Bronze, n’a pas seulement valu à la défenseuse le titre de « femme du match » lors du quart de finale remporté contre la Norvège (3-0), il a également incité son sélectionneur, Phil Neville, à un jugement laudateur et tranché.

« Ce que vous avez vu ce soir, c’est que Lucy Bronze est la meilleure joueuse du monde, a déclaré l’ancien joueur de Manchester United, Il n’y a pas de joueuse comme elle dans le monde, aucune qui a ses capacités athlétiques et sa qualité technique. J’ai joué en tant que latéral mais jamais à ce niveau-là. »

A défaut d’être la footballeuse numéro 1, un classement subjectif et délicat à établir, Lucy Bronze ressemble à s’y méprendre à la meilleure défenseuse de la planète. Dotée d’une pointe de vitesse, de qualités, aussi, de contre-attaquante, elle éclabousse de sa classe la compétition.

« Je suis très impatiente »

Mardi 2 juillet, lors de la première demi-finale face aux Etats-Unis, les montées de la « Lioness » de 27 ans risquent d’enflammer à nouveau le public du stade, celui de son club de l’Olympique lyonnais (OL), avec lequel elle a notamment remporté les deux dernières Ligues des champions.

« Quand j’ai signé à Lyon, il y a deux ans, le rêve était d’y jouer en Coupe du monde. Et finalement, deux ans plus tard, le rêve devient réalité. Je suis très impatiente, c’est ma maison. C’est un stade que j’aime, j’aime y jouer et c’est une ville que j’adore », a-t-elle lancé après le quart de finale contre la Norvège.

Excellente joueuse outre-Manche, avant son arrivée à Lyon en 2017, elle avait déjà ouvert son riche palmarès lors de ses passages à Liverpool et à Manchester City : trois titres de championne d’Angleterre, une Coupe de la Ligue et une Coupe d’Angleterre. Sur un plan individuel, elle avait été élue « meilleure joueuse de la Ligue » en 2014 et en 2017.

A Lyon, son armoire à trophées continue à se garnir, outre les Coupes d’Europe, de deux titres de championne de France et d’une Coupe de France. En décembre 2018, Lucy Bronze a même figuré à la sixième place au classement du premier Ballon d’or féminin.

Mais son séjour lyonnais l’a révélée à un niveau encore supérieur, celui des cracks qui font la différence et peuvent faire basculer une rencontre. « La norme à l’échelle européenne est définie par Lyon, raconte-t-elle dans un article du Guardian. Nous sommes tellement en avance sur tant d’équipes. Au cours des entraînements quotidiens, ce sont onze internationales contre onze internationales. Je dois donc me défendre tous les jours contre les meilleures attaquantes du monde. »

« Pas une surprise pour moi »

En conférence de presse, après la qualification pour les demi-finales, elle est revenue sur sa progression. « Il y a quatre ans, j’étais peut-être une surprise pour tout le monde, mais pas pour moi. J’avais vraiment la conviction que j’étais capable d’élever mon niveau de jeu, a-t-elle confié, déterminée et empreinte d’une confiance en elle imperturbable. Je savais qu’il y avait des choses à travailler pour devenir la meilleure joueuse possible, mais c’est pareil aujourd’hui, j’essaye toujours de donner le meilleur de moi-même. »

Née dans la ville la plus au nord de l’Angleterre, à Berwick-upon-Tweed (Northumberland), c’est juste à côté, à Alnwick, petite cité de moins de 8 000 habitants, célèbre pour son château utilisé pour tourner les plans extérieurs de Poudlard dans la saga Harry Potter, que la jeune fille a découvert le football dans le sillage de son frère aîné, Jorge.

Comme tant de débutantes, elle a dû se former, seule, au milieu d’une équipe masculine de jeunes joueurs. « Jusqu’à mes 12 ans, j’étais la seule fille à jouer avec un groupe de garçons », racontait-elle toujours au Guardian. J’ai dû supplier ma mère de me laisser porter un short à l’école pour pouvoir jouer au football à l’heure du déjeuner. »

Atteinte par la limite d’âge de mixité de l’époque, Lucy Bronze doit alors trouver, à 12 ans, un club qui possède une section féminine. « L’entraîneur m’a dit que j’étais trop bonne pour m’arrêter et il a supplié ma mère d’aller me chercher une équipe de filles, car un jour j’allais jouer pour l’Angleterre », ajoute-t-elle.

Sacrifices

Ses parents la soutiennent même si sa mère ne connaît pas grand-chose au football. Son père, lui, ne ménage pas ses efforts : il doit conduire une heure trente pour l’accompagner à l’entraînement à Sunderland. Et, comme sa fille le révèle en personne dans une publicité tournée à l’occasion de la Coupe du monde, il lui prépare même son thé, so British, certainement une grande preuve d’amour pour cet émigré portugais nommé Joaquin.

Quinze ans après, les sacrifices de la famille Bronze n’ont pas été vains. A l’inverse des sept joueuses françaises de l’OL, qui ne verront pas les demi-finales dans leur stade, l’ancienne jeune footballeuse du nord de l’Angleterre peut encore rêver de conduire son pays au premier titre féminin de son histoire.

Les spectateurs lyonnais auront aussi la chance d’apercevoir leur prochaine recrue. Complice de Lucy Bronze sur son couloir droit, l’ailière Nikita Parris a signé pour le club du président Jean-Michel Aulas avant l’ouverture de la compétition. A Lyon, les Lionesses sont décidément à la mode. Pour le plus grand plaisir du sextuple champion d’Europe.