Les Soudanais manifestent le 30  juin à Khartoum. / Hussein Malla / AP

Le principal mouvement de la contestation au Soudan a appelé lundi 1er juillet à la désobéissance civile le 14 juillet dans tout le pays, au lendemain de manifestations de masse pour faire pression sur les généraux au pouvoir.

Dans leur bras de fer avec le Conseil militaire de transition, qui tient les rênes du pays depuis la destitution en avril du président Omar el-Béchir, le principal mouvement de la contestation avait organisé du 9 au 11 juin une campagne de désobéissance civile qui avait quasiment paralysé Khartoum.

« Le dimanche 14 juillet, désobéissance civile et grève politique totale dans tous les secteurs professionnels (…) dans la capitale et dans toutes les provinces », a annoncé dans un communiqué l’Alliance pour la liberté et le changement (ALC), fer de lance de la contestation.

Le 13 juillet sera organisée une manifestation pour commémorer la dispersion d’un sit-in de manifestants installés devant le QG de l’armée à Khartoum quarante jours plus tôt, le 3 juin, qui a fait des dizaines de morts et provoqué un tollé international.

Ce dimanche, des dizaines de milliers de personnes ont déjà manifesté à travers le pays pour que le Conseil militaire remette le pouvoir aux civils. Dix personnes ont été tuées et plus de 180 blessées dans les violences en marge des rassemblements, selon des bilans de la police et du ministère de la Santé cités par l’agence officielle Suna.

« Violence excessive »

A Omdourman, ville voisine de Khartoum qui a connu dimanche une mobilisation particulièrement forte, un petit attroupement s’est fait lundi matin autour de trois cadavres qui venaient d’être découverts, a constaté un correspondant de l’AFP.

Des dizaines de personnes ont scandé « à bas, à bas » les militaires – un slogan utilisé depuis décembre pour réclamer l’éviction de M. Béchir et aujourd’hui du Conseil militaire – avant d’être dispersés par des tirs de gaz lacrymogènes lancés par la police. Les trois corps affichaient des traces de « tortures », selon un comité de médecins proche de la contestation.

La découverte porte à 136 le nombre de victimes de la répression depuis la dispersion du sit-in, qui avait fait à lui seul une centaine de morts selon un comité de médecins proche de la contestation. Les autorités comptent pour leur part 71 morts depuis le 3 juin.

L’ampleur de la mobilisation dimanche a démontré que le mouvement de contestation a gardé intacte sa capacité à rallier la population, malgré un blocage d’Internet en vigueur depuis près d’un mois et un important dispositif sécuritaire.

Les manifestants ont affronté des tirs de gaz lacrymogènes, alors qu’ils marchaient sur le Palais présidentiel où siège le Conseil militaire.

Des échauffourées ont eu lieu à environ 700 mètres du Palais où au moins 25 véhicules des paramilitaires des Forces de soutien rapide (RSF) sont arrivés en renfort, selon un journaliste de l’AFP.

« Le Conseil militaire est entièrement responsable pour ces vies (perdues) et ces blessés », a asséné Mohammed Naji al-Assam dans une vidéo postée dimanche soir sur Facebook par son mouvement, l’Association des professionnels soudanais, acteur majeur de la contestation. « Une nouvelle fois, comme à plusieurs reprises, les manifestants pacifiques soudanais ont été la cible d’une violence excessive, des tirs à balle réelle », a ajouté le militant.

« Retenue »

Pour le Conseil militaire, les forces régulières ont fait preuve de « retenue » dimanche. L’ALC « a violé ses engagements et incité les manifestants à se diriger vers le palais (présidentiel) et le QG de l’armée », a dénoncé le général Jamal Omar, dans une vidéo postée par le Conseil sur Facebook. L’ALC « porte l’entière responsabilité de ces violations et des victimes parmi les forces régulières et les citoyens », a-t-il ajouté.

La contestation au Soudan a été déclenchée initialement par le triplement en décembre du prix du pain dans un pays pauvre à l’économie exsangue. Les manifestations ont rapidement pris une tournure politique en réclamant l’éviction d’Omar el-Béchir, qui dirigeait le pays d’une main de fer depuis près de trois décennies.

Lundi, la France a déploré les violences de la veille, appelant les deux camps « à progresser de bonne foi dans les négociations et à aboutir au plus vite à la formation d’un gouvernement conduit par des civils ».

Depuis plusieurs jours, les chefs de la contestation et le Conseil militaire se disent ouverts à une reprise des négociations, à travers une médiation de l’Ethiopie et de l’Union africaine, pour dessiner les grandes lignes de la transition à venir.