La raffinerie d’agrocarburants de La Mède (Bouches-du-Rhône), le 16 avril 2015. / BERTRAND LANGLOIS / AFP

Avec près d’un an de retard sur le calendrier prévu, le groupe pétro-gazier Total a annoncé, mercredi, le démarrage de la production à la raffinerie d’agrocarburants de La Mède (Bouches-du-Rhône).

Ce site, l’un des plus grands d’Europe, dispose d’une capacité de production annuelle de 500 000 tonnes de d’agrocarburants, principalement du « biodiesel » pour le transport routier et du « biojet » pour les avions. Fermée en 2015, cette raffinerie de pétrole brut est engagée depuis dans un long processus de reconversion, qui a permis de maintenir 250 emplois directs sur 430. Le site compte également une plateforme logistique et un centre de formation, ainsi qu’un petit parc photovoltaïque. L’essentiel de sa production ira au marché national. La France consomme environ trois millions de tonnes par an de biodiesels. Jusqu’ici, environ la moitié était produite en France, et le reste importé.

Le projet de cette raffinerie suscite une vive inquiétude de la part des écologistes : La Mède fonctionnera pour moitié avec de l’huile de palme d’Asie du Sud-Est. Les ONG estiment que cette importation massive va contribuer à la déforestation, alors que les forêts sont essentielles pour stocker le CO2.

Les ONG demandent plus de transparence

Plusieurs associations, dont Greenpeace et les Amis de la Terre, tentent de faire annuler l’autorisation d’exploitation donnée par le préfet, mais la justice ne devrait pas se prononcer avant le premier trimestre 2020.

Dans son communiqué mercredi, Total indique s’engager « à traiter chaque année au maximum 300 000 tonnes d’huile de palme, soit moins de 50 % du volume des matières premières nécessaires ». Le groupe assure compléter la certification de son huile de palme par un dispositif de contrôle rigoureux, notamment en matière de respect des droits humains.

Mais les ONG demandent plus de transparence sur les origines géographiques et doutent de la validité des labels fournis par le pétrolier. Pour le climat, « les agrocarburants c’est pire qu’une énergie fossile, parce qu’on déboise, on utilise des terres destinées à l’alimentation, et l’entreprise ne peut pas s’assurer qu’il n’y a pas de déforestation directe », surtout dans des pays où l’opacité règne, a ainsi expliqué à l’AFP Laura Monnier, juriste chez Greenpeace France.

« Après les élections européennes, Edouard Philippe a placé l’Acte 2 du quinquennat sous le signe de l’accélération écologique. (…) Quelques semaines plus tard, [le gouvernement] accompagne sans rien dire la mise en service d’un site industriel favorisant les intérêts de Total, et qui va générer une déforestation massive, avec des impacts irréversibles sur le climat et la biodiversité », estime le directeur général de Greenpeace, Jean-François Julliard.

Le démarrage de cette raffinerie pourrait connaître un autre obstacle majeur dans les prochains mois : en décembre 2018, l’Assemblée nationale a voté l’exclusion des produits à base d’huile de palme de la liste des agrocarburants à partir du 1er janvier 2020. Une différence de taille, puisqu’elle priverait Total d’un avantage fiscal estimé à environ 100 millions d’euros.

Total s’engage à utiliser 50 000 tonnes de colza

Nicolas Hulot, lors de la présentation de son plan climat lorsqu’il était ministre, estimait également qu’il fallait « fermer une fenêtre qui donnait la possibilité d’incorporer de l’huile de palme dans les biocarburants ».

Le PDG du groupe, Patrick Pouyanné, a clairement menacé de réduire l’activité du site si cette date limite était maintenue. « Cela remet potentiellement en cause la viabilité de l’unité, la rentabilité globale du site et le maintien d’emplois dans l’usine », expliquait-il dans le Figaro en janvier, tout en assurant « ne pas faire de chantage à l’emploi ». Il en appelle à la majorité parlementaire et au gouvernement.

Un autre front s’était ouvert en juin 2018, quand les organisations agricoles avaient bloqué le site pour protester contre ces importations, qui concurrencent l’usage de colza produit en France dans les biocarburants. Pour faire face à ces critiques, Total s’est engagé à employer « au minimum 50 000 tonnes de colza français afin d’assurer un débouché supplémentaire à l’agriculture française ». Une réponse qui a plutôt satisfait les syndicats et fédérations agricoles, qui ont tu leurs critiques publiques de la raffinerie.