Jean-Baptiste Lemoyne, secrétaire d’Etat auprès du quai d’Orsay, le 2 juillet à l’Assemblée nationale. / ALAIN JOCARD / AFP

En pleine polémique sur le traité conclu avec le Mercosur, le gouvernement français a donné mercredi 3 juillet son feu vert à la ratification par l’Assemblée nationale de l’accord de libre-échange entre l’Union européenne et le Canada (CETA).

« Le conseil des ministres a délibéré et approuvé le projet de loi », a déclaré Jean-Baptiste Lemoyne, secrétaire d’Etat auprès du quai d’Orsay. Vantant un « bilan très positif » du CETA depuis son entrée en vigueur provisoire il y a bientôt deux ans, M. Lemoyne s’est félicité que « nos exportations vers le Canada ont progressé de 6,6 % entre 2017 et 2018 ».

Selon ses chiffres, les importations canadiennes en France ont, en revanche, chuté de 6 %, pendant la même période, un repli attribué par le Canada au recul des achats de colza et du minerai de fer pour des raisons conjoncturelles. M. Lemoyne a également souligné que l’excédent commercial français avec le pays nord-américain était passé de 50 à 450 millions d’euros pendant la même période.

Ratification prévue le 17 juillet à l’Assemblée

Approuvé en février 2017 par le Parlement européen, le traité doit encore être ratifié par les 38 assemblées nationales et régionales d’Europe. L’Espagne et le Royaume-Uni l’ont déjà ratifié, mais l’Allemagne et l’Italie n’ont pas encore accordé formellement leur feu vert.

Sa ratification par la France, prévue le 17 juillet à l’Assemblée nationale, intervient en pleine polémique sur la conclusion vendredi 28 juin d’un nouvel accord commercial, cette fois-ci entre l’UE et le Mercosur (Brésil, Argentine, Uruguay et Paraguay). Ce traité est dénoncé par les agriculteurs français, qui se sont rassemblés mardi soir dans toute la France pour manifester leur opposition, mais aussi par les écologistes et différents partis et organisations.

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Le CETA n’a pas échappé aux critiques. « Le Canada est l’un des pires élèves du G20, a dénoncé dans une interview au Monde l’ancien ministre de la transition écologique, Nicolas Hulot. Signer le CETA, c’était le conforter, alors que ne pas le signer c’était l’encourager à faire autrement. »

A gauche, le député de La France insoumise (LFI) Adrien Quatennens a estimé mercredi sur France Inter que le Parlement français devait « refuser » l’accord. « Emmanuel Macron, s’il était conséquent en matière climatique comme il prétend l’être, et il ne l’est pas, devrait tout faire pour que ces accords soient refusés », a-t-il ajouté.

72 organisations demandent aux députés de ne pas le ratifier

Le traité est aussi combattu par la société civile, des syndicats et différentes organisations de protection de l’environnement, de consommateurs ou des droits humains. Dans une lettre, 72 organisations, dont Attac France, Bio Consom’acteurs, la CGT, Greenpeace ou l’UFC-Que choisir, ont demandé « solennellement » aux députés « de ne pas ratifier le CETA », un traité qui « facilite l’entrée sur le marché européen de produits qui ont été élaborés selon des normes inférieures aux standards européens ».

Concrètement, le CETA, qui concerne au total 510 millions d’Européens et 35 millions de Canadiens, supprime les droits de douane sur 98 % des produits échangés entre les deux zones, élargit certains services à la concurrence et renforce la coopération en matière réglementaire. Il permet aussi la reconnaissance de 143 produits d’origine géographique protégée (AOP) au Canada, dont l’agriculture gagne à l’inverse un accès accru au marché européen. « C’est la reconnaissance de notre modèle agricole français et européen », a estimé M. Lemoyne.

Selon des chiffres canadiens, le pays nord-américain n’a exporté que 1 000 tonnes de viande de bœuf, soit à peine 2 % du quota accordé par le CETA, cette filière n’étant pas encore prête aux exigences européennes, qui refusent notamment de la viande aux hormones de croissance. « Ce sont des quotas infimes », a assuré le secrétaire d’Etat auprès du quai d’Orsay, qui a voulu rassurer les agriculteurs français. « Le Canada n’est pas outillé en termes de filières pour répondre aux normes européennes », a-t-il ajouté, précisant que seulement 36 fermes produisaient de la viande de bœuf sans hormones.