Les Zébus malgaches célèbrent leur victoire face aux Super Eagles nigérians (2-0), à Alexandrie, le 30 juin 2019. / GIUSEPPE CACACE / AFP

Chronique. Les jeux étaient faits. Les « petits », on les appelle ainsi, ne devaient venir en Egypte que pour faire nombre, pour limiter la casse. Au lieu de quoi, c’est la flambée des supposés faire-valoir et des âmes pauvres. L’affirmation des « petits » illustrée par la première place de Madagascar devant le Nigeria et la Guinée. L’étonnante promotion des Malgaches qui ont créé la plus belle surprise de cette 32e édition de la Coupe d’Afrique des nations (CAN).

Se battre jusqu’à la dernière minute pour arracher de soi ce qu’on a de meilleur, c’est le précepte que Madagascar a su faire sien lors d’un premier tour qui, globalement, a davantage senti la sueur et la peine qu’il n’a livré les délices attendus. Et là n’est pas le seul tour de force des représentants de la Grande Île. Ils ont aussi indirectement redoré le blason bien terni d’Ahmad Ahmad, leur compatriote et président de la Confédération africaine de football (CAF). Une CAF sur le point d’être mise sous la tutelle de la FIFA (Fédération internationale de football association) pour la première fois dans l’histoire de l’institution, en soixante-deux ans d’existence.

La FIFA entend recenser tous les manquements – notamment financiers – de la CAF depuis quelques années. Ce qui place le football africain, dans sa version officielle, en accusation formelle d’incompétence et d’incurie. Ce football, qui se proclame pourtant mûr, est ainsi renvoyé à ses chères études. Par ailleurs, la décision de n’appliquer la VAR (assistance vidéo à l’arbitrage) qu’à partir des quarts de finale donne à la compétition une allure hybride, à deux vitesses. Certaines nations éliminées prématurément peuvent, à juste titre, se demander ce qu’il serait advenu d’elles sans cette drôle et incompréhensible décision.

Des stades désespérément vides

Après le premier tour qui a vu les nations majeures du continent se qualifier – aucune élimination marquante –, on note que l’instance chargée de réguler et de régir le football africain est parvenue à ses fins, en passant de 16 à 24 pays pour le tournoi final. Elle ne voulait surtout pas exposer les favoris de la compétition à une sortie de route trop rapide, d’autant qu’en la circonstance la troisième place pouvait aussi constituer une bouée de sauvetage. Sur ce plan, objectif atteint pour la CAF, puisque l’Egypte, le pays organisateur, sera accompagné dans les huitièmes de finale par le Sénégal, le Maroc, l’Algérie, le Cameroun et la Tunisie notamment.

Ombre au tableau : le très peu d’intérêt que le public égyptien manifeste aux rencontres disputées au Caire ou à Alexandrie, à Suez ou à Ismaïlia. Hormis pour les matchs joués par les Pharaons, les enceintes sont désespérément vides et ce quelle que soit l’affiche. Certes, le fait n’est pas nouveau en Coupe d’Afrique des nations, mais c’est à se demander où est la fête du football continental quand on fait le parallèle avec ce qui se passe en Europe et en Amérique du Sud. Il est vrai que nous n’avons pas encore assisté à un tournoi en « scope et en technicolor ». Les débats, pour le moment, n’ont pas soulevé d’enthousiasme. Quelques formations se sont néanmoins illustrées comme l’Algérie, le Mali ou le Maroc à un degré moindre. D’autres, parmi lesquelles on peut compter l’Egypte et le Cameroun, ont fait preuve de sérieux, à défaut d’éclat.

Mais, pour l’heure, le Nigeria, le Ghana et la Côte d’Ivoire doivent impérativement élever leur niveau de jeu s’ils veulent répondre aux attentes de leurs supporteurs. Reste le cas du Sénégal, grandissime favori avec l’Egypte, même si les Sénégalais sont sortis de leur groupe sans réellement convaincre. Ils affronteront ce vendredi les Ougandais, certes étonnants par leurs prestations mais encore loin des cadors. La défaite subie face à une Algérie dominatrice et conquérante pourrait être un mal pour un bien. C’est ce qu’espère en tout cas leur entraîneur Aliou Cissé. Mais rien n’est écrit d’avance. C’est la CAN acte II, qui va sans doute nous réserver quelques surprises. On attend cependant qu’elle porte enfin son habit du dimanche. Tant que le ballon roule, il y a de l’espoir.

Pape Diouf a été président de l’Olympique de Marseille de 2005 à 2009.

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