Le sélectionneur de l’Ouganda Sébastien Desabre, lors du mach face au Zimbabwe, au Caire, le 26 juin 2019. / KHALED DESOUKI / AFP

A 42 ans, il est le plus jeune sélectionneur présent en Egypte lors de cette Coupe d’Afrique des nations (CAN). Footballeur amateur pendant ses études de médecine, Sébastien Desabre a vécu en 2010 sa première expérience en Afrique, sur le banc de l’ASEC d’Abidjan. Début d’une longue histoire puisque le Drômois a aussi entraîné le Coton Sport de Garoua (Cameroun), l’Espérance de Tunis (Tunisie), le Recreativo Desportivo de Libolo (Angola), le Saoura de Béchar (Algérie), le Wydad Athletic Club de Casablanca (Maroc) et l’Ismaïly Sporting Club (Egypte), et remporté six titres.

L’Ouganda est en huitièmes de finale. Est-ce une surprise ?

Sébastien Desabre C’était l’objectif. Nous avions hérité d’un groupe difficile (Egypte, RDC, Zimbabwe), mais avons conscience de nos qualités. Je pense que nous avons montré des choses intéressantes lors de ce premier tour, y compris lors de la défaite face à l’Egypte (0-2). L’Ouganda a souvent eu cette image d’équipe solide mais défensive et, quand j’ai été nommé, le deal était de conserver cette solidité, ce fighting spirit propre aux équipes anglophones, mais aussi de produire du jeu, de prendre des risques offensifs.

Comment abordez-vous ce huitième de finale contre le Sénégal ?

Tout le monde sait que le Sénégal est favori, c’est logique. Mais à ce niveau de la compétition, sur un match à élimination directe, il faut aussi savoir se mettre la pression. On jouera pour se qualifier. On ne peut pas aborder un rendez-vous de cette importance en toute décontraction, en se disant que le Sénégal est plus fort et que, si on perd, ce sera normal. Les joueurs comme le staff technique ont envie de prolonger l’aventure.

Il y a un an et demi, vous aviez signé votre contrat et immédiatement pris en main la sélection, qualifiée pour le Championnat d’Afrique des nations 2018 au Maroc (CHAN). Cela s’était soldé par une élimination au premier tour. Avez-vous alors craint pour votre avenir ?

Non. Au départ, je ne devais pas prendre l’équipe pour le CHAN. Je venais d’arriver et ne connaissais quasiment pas les joueurs. Mais c’était pour moi l’occasion de les découvrir et l’objectif était de travailler en vue des qualifications pour la CAN 2019. J’avais l’ambition de participer à cette compétition après avoir entraîné de nombreux clubs. On m’a laissé travailler et mettre en place mon projet.

Vous avez alors décidé de vous installer à Kampala ?

Bien sûr ! Par rapport à la sélection, au pays qui vous accueille, c’est la moindre des choses. Afin de découvrir l’Ouganda, de voir des matchs de championnat et donc de dénicher des joueurs pour la sélection. Depuis que je me suis installé en Ouganda, même s’il m’arrive d’aller régulièrement en Europe pour voir jouer mes expatriés, j’ai pu me faire une idée assez précise de la situation du football. Il y a des joueurs de qualité, mais il manque les infrastructures, notamment des terrains, et cela freine la progression des joueurs qui gagnent en moyenne 300 euros par mois. Beaucoup s’expatrient en Europe mais aussi en Tanzanie ou au Kenya, où ils peuvent multiplier leur salaire par trois.

Il y a également des lacunes au niveau de la formation des jeunes, par rapport à l’Afrique de l’Ouest. J’espère que cette CAN convaincra des investisseurs privés d’ouvrir des académies.

Vous êtes passé de Cannet-Rocheville, un club amateur du sud de la France, à l’ASEC d’Abidjan. Comment cela s’est-il produit ?

L’Afrique m’intéressait. Un jour, alors qu’il était en stage à Abidjan, Hervé Renard [actuel entraîneur du Maroc], que je connaissais, a appris des dirigeants de l’ASEC qu’ils cherchaient un entraîneur jeune, comme ils l’avaient fait avec Philippe Troussier au début des années 1990. J’ai eu des discussions avec eux, ils ont fait le pari de m’engager, et j’ai passé deux ans en Côte d’Ivoire. Cela m’a permis de comprendre ce qu’étaient la pression et l’exigence de résultats. Cette expérience m’a été très utile pour la suite.

Vous avez entraîné au Cameroun, en Angola, en Tunisie, en Algérie, au Maroc et en Egypte, souvent dans de grands clubs…

… Et souvent avec une pression intense. Non seulement, je suis capable d’y résister et de l’assumer, mais je pense même qu’il faut savoir se l’imposer. J’ai pu observer, lors de mes différentes expériences, que les choses étaient différentes entre le nord [du continent] et l’Afrique subsaharienne, et même selon les régions.

Au Nord, les joueurs sont déjà installés dans le professionnalisme. Ils ont une stratégie de carrière et la pression qui entoure les clubs peut les affaiblir. En Afrique subsaharienne, le football est pour beaucoup un projet de vie et les joueurs affichent une énorme motivation. C’est pour cela que je suis heureux quand je vois que des garçons que j’ai eus, par exemple à l’ASEC comme Jean Michaël Seri ou Ambroise Oyongo à Garoua, font une belle carrière en Europe.

Aimeriez-vous retravailler en France ?

Oui. J’aurais d’ailleurs pu le faire, il y a quelques mois. J’ai eu des contacts avec des clubs de Ligue 2. Je pense que je reviendrai un jour. Je ne sais pas quand, je ne sais pas où. D’abord parce que je suis sous contrat avec l’Ouganda jusqu’en 2020. Cela fait presque dix ans que je travaille en Afrique, avec un bref passage au Dubaï Club (2015-2016). J’ai appris à aimer l’Afrique, il y a sans doute encore des choses à y faire. Je voulais vivre cela, connaître la pression au quotidien. Je ne suis pas usé ou fatigué. En Ouganda, il y a plus de 40 millions d’habitants et presque autant de sélectionneurs !

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