Donald Trump lors du défilé aérien organisé pour la fête nationale américaine, à Washington le 4 juillet. / ANDREW HARNIK / AP

Dans son dos, la statue monumentale d’Abraham Lincoln, assis, semble attentive à la scène inédite qui se déroule au bas des marches du Memorial. Derrière une vitre blindée ruisselante de pluie, le président américain, Donald Trump, s’est invité dans les célébrations populaires et habituellement apolitiques qui marquent le 4 juillet, jour commémorant l’indépendance du pays en 1776.

Deux tanks avaient été déposés avec un luxe de précaution au bas de l’estrade pour ne pas endommager les allées du Mall récemment refaites à neuf. Cette longue promenade jalonnée de mémoriaux et de musées accueille traditionnellement en cette soirée de fête des milliers d’Américains venus à Washington pique-niquer et écouter des concerts en attendant le feu d’artifice des Parcs nationaux. Cette année, plusieurs centaines de tickets VIP avaient été distribués par la Maison Blanche. Preuve pour les adversaires de M. Trump qu’il s’agissait bien d’un événement partisan.

En choisissant ce jour pour rendre un hommage à l’armée, M. Trump lui a de fait donné une coloration particulière. Il s’est attiré les critiques de ceux qui ont vu dans cet exercice, une tentative de récupération politique, alors que le président vient de lancer la campagne pour sa réélection. Ainsi Joe Biden, ancien vice-président et candidat démocrate à la primaire pour la présidentielle de 2020, a dénoncé un événement davantage « conçu pour flatter l’ego présidentiel que célébrer l’indépendance du pays ».

« Notre nation est plus forte qu’elle n’a jamais été »

Mais à ceux qui craignaient un discours partisan, et déplacé en ce jour de fête nationale, le président américain a opposé un discours particulièrement consensuel. Dans un long cours d’histoire célébrant les héros américains et ponctué de citations des pères fondateurs, il s’est tenu à une posture d’unité. « Aujourd’hui, nous nous rassemblons comme un seul pays pour cet hommage très spécial à l’Amérique. Nous célébrons notre histoire, notre peuple, et les héros qui défendent fièrement notre drapeau, les courageux hommes et femmes de l’armée américaine ». « Unie, il n’y a rien que l’Amérique ne peut accomplir », a-t-il encore affirmé. Sans développer de vision pour l’avenir, il a juste rappelé sa promesse de « planter prochainement un drapeau américain sur Mars ». Et d’une simple phrase – « notre nation est plus forte qu’elle n’a jamais été » – s’est offert un bilan flatteur.

Des milliers d’Américains rassemblés sur les allées du Mall, à Washington le 4 juillet. / BRENDAN SMIALOWSKI / AFP

L’événement, supervisé personnellement par le président et finalisé dans les derniers jours, était censé s’inspirer du défilé français du 14-Juillet. Fortement impressionné par les célébrations auxquelles il avait assisté à Paris en 2017, M. Trump tenait, depuis à sa « parade militaire ». Dissuadé une première fois l’an dernier en raison du budget prohibitif (90 millions de dollars) qu’il souhaitait consacrer à un défilé lors de la journée célébrant les anciens combattants, M. Trump a finalement ajouté à son « Hommage à la nation » un survol inédit de la capitale fédérale par une vingtaine d’avions militaires. « Un spectacle unique » avait prédit le président américain sur Twitter dès mercredi. Le ciel bas et gris de ce 4-Juillet a un peu gâché l’effet escompté.

Feu d’artifice « deux fois plus long » qu’à l’accoutumée

Si l’hommage aux soldats a pu résonner favorablement dans une opinion publique américaine fortement attachée à son armée, l’accent mis sur la force militaire du pays a toutefois gêné certains observateurs. Pour le lieutenant-colonel à la retraite Jason Dempsey, professeur de sciences politiques à l’Académie militaire, « notre fierté nationale n’était pas fondée sur notre force militaire mais sur le fait que nous nous battions pour des idéaux », a-t-il rappelé dans le Washington Post. Le coût de la cérémonie, difficilement chiffrable, a aussi suscité des critiques.

Donald Trump a tenu à ce que soit organisé un survol inédit de la capitale fédérale par une vingtaine d’avions militaires, le 4 juillet. / STEPHANIE KEITH / AFP

La polémique sur la nature des célébrations et la présence de M. Trump a par moments transformé l’ambiance bon enfant de la journée en une confrontation entre deux Amériques. Dès l’après-midi, des promeneurs portant la casquette rouge de la campagne présidentielle « Make America great again » (Rendre à l’Amérique sa grandeur) ont croisé des anti-Trump rassemblés autour de la baudruche « Baby Trump », figurant un président en couches-culottes et en colère. Mais tous ont finalement pu profiter dans la soirée du feu d’artifice « deux fois plus long » qu’à l’accoutumée, offert par des entrepreneurs partisans de M. Trump.