Le sélectionneur Florent Ibenge après la qualification de la RDC pour les huitièmes de finale de la CAN, au Caire, le 30 juin 2019. / MOHAMED ABD EL GHANY / REUTERS

En République démocratique du Congo (RDC), le football est une affaire sérieuse. Florent Ibenge le sait bien. Avant d’être sélectionneur de l’équipe nationale des Léopards, le technicien a entraîné l’AS Vita Club de Kinshasa, l’un des clubs les plus titrés du pays avec le Tout Puissant Mazembe de Lubumbashi et le DC Motema Pembe de Kinshasa. C’est là qu’il a pris la mesure de cet engouement populaire puisqu’il n’était pas rare d’avoir « jusqu’à 5 000 spectateurs rien que pour assister à un entraînement ».

Il faut dire que le club kinois, dix-huit fois champion de RDC et vainqueur de la Ligue des champions en 1973, est une équipe phare du pays. Rien d’étonnant donc à ce que Constant Omari, le puissant président de la Fédération congolaise de football (Fecofa), par ailleurs vice-président de la Confédération africaine de football (CAF) et de la FIFA (Fédération internationale de football association), ait repéré là l’actuel coach des Léopards.

« Florent était en poste au Vita Club depuis quelques mois et il avait qualifié son équipe pour la finale de la Ligue des champions 2014. Notre volonté, à la Fecofa, était de faire confiance à un technicien local. Qu’il soit parallèlement le coach du Vita Club n’était pas un problème », explique Constant Omari.

« Aller le plus loin possible »

Né à Kinshasa, dans le quartier de Fikine, l’homme s’est deux fois exilé en début de carrière. En 1974, d’abord, il part pour la France, où il acquiert la double nationalité, joue dans des clubs amateurs ou semi-professionnels, entraîne des petites formations. Puis il opte pour la Chine et s’installe à Shanghaï, aux côtés de Nicolas Anelka, alors entraîneur joueur, avant de revenir.

La Fecofa a choisi Florent Ibenge pour ses compétences, sa connaissance du football africain et européen, et sa capacité à s’engager sur le long terme. De tous les sélectionneurs en Afrique, il est celui qui dure le plus. Sa longévité sur le banc du Vita (six ans), un club réputé pour son instabilité technique, et avec qui il a remporté deux fois le championnat (2015 et 2018), fait de lui un homme de projets. « Quand on décide de l’engager, ce n’est pas pour un ou deux ans, mais pour travailler sur la durée. Malgré les soubresauts, comme l’élimination en qualifications pour la Coupe du monde 2018, il a l’assise pour aller au bout de ce cycle de cinq ans et dresser le bilan, après la CAN en Egypte et cela quel que soit le résultat », ajoute Constat Omari.

Reste qu’aujourd’hui la pression que Florent Ibenge a sur les épaules est lourde. Depuis 1974 et le titre ramené d’Egypte, la RDC n’a plus jamais remporté la Coupe d’Afrique des nations. L’objectif des Congolais est clairement de succéder au Cameroun, champion d’Afrique en titre : « On m’a demandé d’aller le plus loin possible, de faire le meilleur résultat possible. Et ce ne sera pas facile face à Madagascar dimanche… »

Florent Ibenge a déjà terminé à la troisième place de la CAN en 2015 et en quarts de finale de l’édition 2017. En partie parce qu’il a renouvelé son équipe, convainquant plusieurs joueurs nés en Europe (Bakambu, Kakuta, Imbula…) d’évoluer pour leur pays d’origine.

Entraîner un jour une équipe en Europe

Inévitablement, la nomination à la tête de la sélection nationale de l’entraîneur du Vita Club a généré des débats en RDC. Florent Ibenge, avant même d’avoir débuté sa carrière de sélectionneur, a été la cible de premières attaques liées à de supposés conflits d’intérêt et à des soupçons de favoritisme, au bénéfice des joueurs du Vita Club. Mais l’homme a rapidement fait taire les ragots, ne retenant que trois, un et deux joueurs de son club lors des CAN 2015, 2017 et 2019. « Avant de signer au Vita, j’ai eu une longue conversation avec Papa Kazadi, un des dirigeants les plus influents, aujourd’hui décédé. Il m’a exposé la situation et m’a dit de ne jamais venir le voir pour me plaindre. Il m’a dit de me battre », sourit Florent Ibenge.

Formé à l’école des entraîneurs français, très au fait des nouvelles technologies, il connaîtra son avenir après la CAN : « Que ce soit avec la sélection ou au Vita Club, on prendra le temps de parler, de faire le point. Il y a peut-être encore de belles choses à faire. Mais comme je suis là depuis longtemps, certaines personnes en ont peut-être assez de voir ma tête… »

Il n’a jamais fait mystère d’entraîner, un jour, une équipe professionnelle en Europe, tout en reconnaissant que peu de postes étaient occupés, sur le Vieux Continent, par des techniciens non européens. « Il est né en RDC et il y est revenu après avoir obtenu ses diplômes. La compétence, il l’a. Ce n’est pas la couleur de la peau qui doit être prise en compte, mais le niveau », regrette Constant Omari.

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