Le futur premier ministre grec, Kyriakos Mitsotakis à Athènes le 7 juillet 2019. / LOUISA GOULIAMAKI / AFP

Editorial du « Monde ». A plusieurs reprises ces dernières années, les Grecs se sont dangereusement approchés du bord de l’abîme. Les élections législatives, qui se sont tenues dimanche 7 juillet, sont, de ce point de vue, doublement rassurantes : elles marquent une maturité bienvenue de la vie politique grecque, parallèlement à l’amélioration de la situation économique, et s’inscrivent résolument dans le cadre de l’Union européenne (UE). Non seulement la Grèce se normalise, mais, après avoir été le précurseur de la crise en Europe, elle pourrait peut-être montrer la voie de la restructuration du paysage politique.

La très nette victoire du parti de centre-droit Nouvelle Démocratie (ND), conduite par l’ancien ministre Kyriakos Mitsotakis, 51 ans, est d’abord une garantie de stabilité politique, puisque, avec près de 40 % des suffrages et la majorité absolue au Parlement, le premier ministre n’a pas besoin de négocier d’alliances. Elle s’accompagne surtout de la forte marginalisation du parti néonazi Aube dorée, qui n’a pas pu franchir le seuil des 3 % et se voit donc chassé du Parlement. C’est une très bonne nouvelle.

A gauche, la défaite du premier ministre sortant Alexis Tsipras était attendue : il paie ses promesses non tenues et surtout les douloureuses années d’austérité infligées par la profondeur de la crise grecque. Mais, avec 31,5 % des suffrages pour son parti, Syriza, passé de mouvement populiste d’extrême gauche à principal parti d’opposition, cette défaite est loin d’être une déroute.

Une campagne modérée et dépassionnée

M. Tsipras sauve les meubles et, à 44 ans, peut mettre à profit cette période dans l’opposition pour construire un vrai parti de gauche moderne, structuré et solidement implanté, à partir de ce qui n’était à l’origine qu’un mouvement populiste radical. Syriza s’est assagi, a appris les nécessités de la gestion et du compromis, et occupe désormais l’espace du parti socialiste Pasok, dont l’héritier, Kinal, n’a obtenu que 8 % des voix.

Outre ce recentrage des forces politiques et un retour au bipartisme qui contrastent avec la fragmentation des Parlements de nombreux pays de l’UE où les mouvements populistes restent forts, c’est le caractère relativement modéré et dépassionné de cette campagne électorale qui a frappé. Les sujets de polémique ne manquaient pas, mais M. Mitsotakis s’est abstenu de les exploiter de manière virulente et a réussi à maîtriser les extrémistes de son parti : la question macédonienne et la gestion des migrants ont sans doute pesé dans la défaite de M. Tsipras, mais elles n’ont pas été déterminantes.

Le futur premier ministre a promis de se mettre au travail immédiatement. Il n’a, en effet, pas de temps à perdre. Sortie depuis un an de son troisième plan de renflouement financier, la Grèce reste sous surveillance et n’est pas encore complètement remise sur les rails ; le taux de chômage demeure trop élevé, à 18 %, et si la croissance a repris, elle n’est que de 1,3 % ; M. Mitsotakis s’est engagé à la faire passer à 3 %. Il lui faut aussi gagner la confiance de ses partenaires de la zone euro, qui n’ont pas que des bons souvenirs de la fiabilité de ses prédécesseurs de Nouvelle Démocratie.

Enfin, Kyriakos Mitsotakis, héritier d’une dynastie politique, doit se méfier d’un effet pervers de cette normalité retrouvée de la Grèce : le taux de participation à ces élections législatives, historiquement bas (58 %), traduit un désenchantement de la population qu’il va devoir remobiliser s’il veut tenir ses promesses.