Voix d’orientation. Le Monde Campus et La ZEP, média jeune et participatif, s’associent pour faire témoigner des étudiants sur leurs parcours d’orientation. Ce sont eux qui rédigent, dans le cadre d’ateliers d’écriture encadrés par des journalistes, leur récit. Aujourd’hui, Annelyse raconte les défis auxquels elle a été confrontée lors de ses deux années en classe préparatoire littéraire à Saint-Germain-en-Laye.

« Lorsque je suis arrivée devant les portes de mon internat, le jour de la rentrée, j’avais la plus grosse boule au ventre du monde. Les gens dans mon couloir riaient de manière si facile. Je regardais la classe et je me demandais : “Mais qu’est-ce que je fous là ?”

Je viens de Trappes, dans les Yvelines. Quand j’étais au lycée, une conseillère d’orientation m’avait recommandé la prépa littéraire du lycée Jeanne d’Albret, à Saint-Germain-en-Laye. Les premiers mois, c’était un changement radical. Un enfer personnel.

Les profs parlaient de références « basiques » que je ne connaissais pas, même si j’avais toujours eu 14 de moyenne en L au lycée. Le reste de la classe suivait, faisait des blagues à midi ou à l’internat, quand je restais cloîtrée de peur dans ma chambre. Je ne suis pas une bête sociale. Il me faut un temps d’adaptation juste pour ouvrir la bouche. J’avais des cheveux qui tombaient, un kyste de stress sur le front, une tendance à pleurer le week-end, mais je restais. Pourquoi ? Une personne sensée se dirait “barre-toi !”.

Mais non. La prépa me mettait au défi. J’entendais de plus en plus les autres avoir le même discours (“mais je suis un escroc, qu’est-ce que je fais là ?”), donc je me disais que c’était “l’effet prépa”. Mon entourage disait : “Tu es en prépa ? Tu es courageuse !” J’avais envie de montrer que moi, la banlieusarde, la paresseuse qui “ne fait rien mais a 18”, j’étais capable de faire prépa. J’avais envie d’être stimulée intellectuellement.

J’avais été prévenue : les notes ne dépasseraient pas 10 au début, mais ça ne remettrait pas en cause mes capacités, et elles remonteraient. On me l’avait assez dit pour que mon 4 en allemand et mon 9 en anglais (alors qu’on m’appelait “la bilingue”) ne me fassent pas trop mal. Mais je préviens, ça blesse quand même l’ego.

« Un 10 en prépa, c’est bien »

J’apprenais à une vitesse folle. Je découvrais des sujets que je n’avais qu’effleurés au lycée et après un semestre d’adaptation, j’avais pris le rythme. Mes moyennes n’étaient pas fameuses mais j’avais la chance d’avoir une mère qui connaissait le niveau prépa : quand elle voyait un 9,5 en philosophie, elle disait : “Mais c’est super !” Car oui, 10 en prépa c’est bien. C’est comme un 13, voire 14, de lycée. Certes, vous risquez de rencontrer des bêtes à concours qui sortent des 15 dès la première année mais, un conseil : ignorez-les.

En prépa, j’ai rapidement pris en maturité, malgré mon année d’avance. Les filles de l’internat finissaient par voir que j’étais davantage une grande timide au caractère trempé qu’une snob glaciale. J’ai fini par découvrir que la plupart des filles de l’internat, si ce n’est toutes, avaient pleuré en abondance le premier mois. En fait c’était normal ! Nous étions un tas d’inconnus confrontés à un rythme de travail nouveau, intense… Mais tellement enrichissant. En fin de première année, beaucoup angoissaient même de ne pas être pris l’année d’après !

Pendant mes grandes vacances parsemées de lectures forcées, je n’avais qu’une hâte : rentrer en khâgne. Revoir la frimousse de mes amies de l’internat, tester mes limites, et plonger dans le grand bain : les concours ! Je voyais mes progrès et je savais que j’étais partie de loin en méthodologie et rigueur dans le travail. J’étais fière d’avoir accompli tout cela.

Pas de compétition entre élèves

La deuxième année, c’était difficile. On avait six mois de cours et les premiers concours blancs en octobre. Ça allait trop vite, l’organisation du travail était chaotique. Il fallait rendre un commentaire d’anglais tous les lundis et une traduction les mardis, avec une synthèse d’un article d’allemand, puis une autre traduction d’anglais pour le jeudi… Quand il ne fallait pas ajouter un commentaire de texte.

Nous étions tous dans les mêmes difficultés, donc on se soutenait. Révisions ensemble, partage de livres de synthèse, récupération de cours, cours individuels entre élèves, partage du travail et des sources… Une de mes voisines de chambre était une pro de la philo. Elle m’a expliqué un nombre incalculable de fois des morceaux de cours qui m’avaient échappé ; une autre était un monstre en géographie et en analyse sociale… J’avais un entourage de gens intelligents mais détendus, bienveillants, partageurs. Pas ceux qui te prennent de haut. Il n’y a jamais eu de compétition entre nous, vraiment jamais.

Mon mois de concours a été bien moins beau que le reste de l’année. Tant de stress ! J’étais devenue la fierté familiale, moi la petite littéraire, parce que j’avais fini mes deux ans de prépa en tête de classe. Je ne voulais pas que tout s’achève par une humiliation aux concours. J’avais peur de les décevoir.

Aujourd’hui, alors que j’écris ces lignes, je suis sous-admissible à l’Ecole normale supérieure (ENS) et admissible à l’ESIT, l’école de traduction et d’interprétariat la plus prestigieuse de France, mon école de rêve. Je n’arrive pas à croire que la prépa m’ait poussée si loin. Je crois ne jamais avoir autant appris, et autant vécu, en si peu de temps. »

La zone d’expression prioritaire (ZEP) est un dispositif d’accompagnement à l’expression des jeunes de 15 à 25 ans par des journalistes professionnels. / ZEP

La Zone d’expression prioritaire (ZEP) accompagne la prise de parole des jeunes

La Zone d’expression prioritaire (ZEP) est un dispositif d’accompagnement à l’expression des jeunes, dans le cadre d’ateliers d’écriture animés par des journalistes professionnels. Organisés dans des lycées, universités, associations étudiantes ou dans des structures d’insertion, ces jeunes écrivent leur quotidien et leurs questionnements.

Tous leurs récits sont à retrouver sur Le Monde Campus et sur la-zep.fr.