Le ministre de la transition écologique, François de Rugy, le 10 juillet à la sortie du conseil des ministres. / LUDOVIC MARIN / AFP

Dans la tourmente depuis la publication, mercredi 10 juillet, d’un article de Mediapart révélant qu’il a organisé entre octobre 2017 et juin 2018 au moins une dizaine de dîners luxueux lorsqu’il était président de l’Assemblée nationale, François de Rugy est revenu sur ces accusations à la sortie du conseil des ministres.

« Je comprends que cela puisse interpeller les Français », a-t-il notamment déclaré, dénonçant toutefois une « présentation tendancieuse » et un « parti pris militant qui est l’habitude » de Mediapart. Sur la table des salons de l’hôtel de Lassay, résidence du président de l’Assemblée, ont notamment été servis des homards géants, du champagne et des vins de la cave de l’Assemblée – du Château Cheval Blanc 2001 estimé à 550 euros la bouteille ou du Château d’Yquem 1999, estimé à 265 euros.

« Il n’y a pas eu de dîners entre amis (…) qui auraient été financés par l’Assemblée nationale », a-t-il poursuivi, préférant parler de « dîners informels de travail » avec « un paléontologue », un « directeur d’études à Sciences Po » ou encore des « chefs d’entreprise ». Or, parmi les convives identifiés par Mediapart figurent notamment des membres de sa famille et des amis de sa femme Séverine, journaliste à Gala. Cette dernière avait confirmé au site d’information qu’elle opérait elle-même un « filtre relationnel » et que les invités appartenaient pour l’immense majorité à son cercle « amical ».

François de Rugy « conserve la confiance » du président

D’après d’autres éléments recueillis par Mediapart, les moyens de l’Assemblée nationale auraient également été utilisés pour organiser le dîner de Saint-Valentin du couple en 2018. « Je trouve ça assez anecdotique », a répondu M. Rugy mercredi, reconnaissant toutefois que « c’est quelque chose d’inopportun ».

Le ministre est également revenu sur son bilan à la tête du Palais-Bourbon :

« Lorsque j’étais président de l’Assemblée nationale je me suis lancé dans un certain nombre de réformes, nous avons engagé des transformations très importantes sur le fonctionnement de l’Assemblée nationale. Dès le 2 août 2017, nous avons voté la réforme du régime de retraite des députés. J’ai engagé également une réduction des frais de réception, des frais de déplacement, la rémunération des membres de mon cabinet. J’ai supprimé les avantages des anciens présidents de l’[Assemblée nationale]. »

Alors que la députée écologiste Delphine Batho a réclamé mercredi après-midi la démission de M. de Rugy, la porte-parole du gouvernement, Sibeth Ndiaye, a affirmé que le ministre de la transition écologique et solidaire « conserve bien évidemment la confiance du président de la République et du premier ministre ».

« C’est scandaleux cette histoire »

Mais des critiques envers l’ancien président de l’Assemblée nationale commencent à apparaître au sein même du parti présidentiel. Sous couvert d’anonymat, un cadre de La République en marche (LRM) déplore « l’effet dévastateur » des révélations de Mediapart dans l’opinion publique.

« C’est scandaleux cette histoire. C’est précisément ce que nous ont reproché les “gilets jaunes” ! Cela risque d’accréditer l’idée que les ministres sont pleins aux as et se gavent en profitant de l’argent public. Symboliquement, c’est très lourd », juge ce responsable national de la formation macroniste, en ne cachant pas sa colère contre « une vraie connerie ». Jugeant que le ministre peut « difficilement rester » à son poste, cette source craint également que ce type de polémique redonne du carburant aux “gilets jaunes” : « C’est typiquement le genre d’histoire qui peut relancer une manif… », se désole-t-il.

« Je suis affligé, surtout quand je vois sa première défense… C’est vrai que les homards et les grands crus c’est la vraie vie… » abonde un autre député LRM. « Ce qui est pénible c’est que nous députés on justifie toutes nos dépenses, on a mis fin au régime de retraite spécial des députés, on a un budget très serré pour employer des collaborateurs et on se fait péter sur des trucs comme ça. Et on perd tout ce qu’on a capitalisé pendant des mois », déplore un autre macroniste interrogé par Le Monde.

Julien Aubert, député du Vaucluse et secrétaire général adjoint des Republicains, a fait savoir dans un communiqué qu’il avait saisi les trois questeurs, le président actuel de l’Assemblée nationale, Richard Ferrand, et la déontologue de l’Assemblée, Agnès Roblot-Troizier, afin « de leur demander que les 577 députés puissent avoir accès en toute transparence à la justification des dépenses opérées par François de Rugy » pendant sa mandature.

Enfin, Arnaud Bazin, président de la commission de déontologie parlementaire au Sénat, a estimé sur Public Sénat que François de Rugy doit répondre de « manière plus précise ». « Le président d’une assemblée se doit d’être exemplaire, a-t-il ajouté. Les présidents des assemblées sont libres de recevoir qui ils veulent mais le budget doit rester raisonnable. Les vins prestigieux ne paraissent pas indispensables. »