Manifestation de VTC, à Paris, en janvier. / BERTRAND GUAY / AFP

C’est un camouflet pour le gouvernement et une victoire pour les plates-formes de véhicules avec chauffeurs (VTC). Le 5 juillet, le Conseil d’Etat a retoqué pour « excès de pouvoir » le décret d’avril 2017, qui confie aux chambres des métiers et de l’artisanat l’organisation des examens d’accès à cette profession. Pour le Conseil d’Etat, « le décret méconnaît les principes de libre prestation de services et de liberté d’établissement, ainsi que la liberté d’entreprendre garantie par la Constitution ».

« C’est l’aboutissement d’un très long combat, déclare Othmane Bouhlal, le cofondateur de la plate-forme de VTC Kapten (ex-Chauffeur privé). Depuis la loi Grandguillaume de décembre 2016, nous sommes opposés à ce qu’un concours pour les chauffeurs VTC soit confié à ces chambres, où sont représentés en majorité des artisans taxis. Nous nous doutions que cela allait poser des problèmes. Et, de fait, depuis la mise en place de ce concours, non seulement il y a peu de sessions organisées, mais le taux de réussite est extrêmement faible, autour de 30 % du fait de sa difficulté. »

Conséquence immédiate pour les plates-formes, le nombre de chauffeurs a fortement diminué. Quelque 5 000 personnes ont décroché, ces deux dernières années, leur sésame de conducteur après 1 500 à 2 000 euros dépensés et souvent plus de neuf mois d’attente. « Or, vu la croissance du marché, il aurait fallu trois fois plus de chauffeurs pour répondre de manière satisfaisante à la demande », poursuit M. Bouhlal.

Six mois pour revoir le dispositif

Dans le même temps, les taxis ont vu leur activité, et donc leurs revenus, progresser, preuve que cette stratégie gouvernementale byzantine a eu un certain succès. De quoi calmer cette profession très hostile à l’arrivée des VTC. Depuis l’annulation du décret, le ministère des transports s’est contenté de « prendre acte de cette décision » dans un communiqué. Il rappelle par précaution qu’elle « ne remet en cause ni l’existence de l’examen d’accès à la profession ni le principe d’une délégation de son organisation aux chambres des métiers et de l’artisanat. »

Alors que le Conseil d’Etat lui donne six mois pour revoir son dispositif, Elisabeth Borne, la ministre des transports, assure que « le gouvernement examinera rapidement, et en lien avec l’ensemble des acteurs concernés, les conséquences à tirer de cette décision. Les compléments nécessaires seront apportés au décret dans le délai de six mois imparti par le Conseil d’Etat. Dans l’intervalle, les chambres des métiers et de l’artisanat adapteront l’organisation interne des examens, afin de garantir le respect de la liberté d’établissement. Ces travaux seront conduits dans le souci permanent de ne pas perturber le processus d’accès à la profession. »

« Formation continue »

Pas sûr que cela suffise à rassurer les plates-formes VTC. Uber, Snpacar, Kapten et autres Bolt voudraient une libéralisation de l’organisation des examens. Dans un communiqué, Henri Capoul, le responsable en France de Bolt (ex-Taxify), soutient ainsi « la possible délégation de la compétence à d’autres organismes agréés afin de fluidifier l’accès à la profession de chauffeur VTC. »

Il appelle aussi « à réformer en profondeur le contenu des examens d’accès à la profession de VTC, qui constitue actuellement une barrière à l’entrée considérable et compromet le développement de cette activité en France (…). Dans ce contexte, Bolt soutient le principe d’une formation continue – par opposition au modèle actuel d’examen final – et souhaite revoir le programme des matières évaluées pour privilégier celles les plus en lien avec le quotidien des chauffeurs. »